ARBITRAGE ET MEDIATION SELON LE CENTRE D’ARBITRAGE ET DE MEDIATION DU GICAM
Par David NYAMSI, Secrétaire Général du CMAG et Arbitre CATO & CIAC, Siège du GICAM – Mercredi, le 29 juin 2022

Les Modes Alternatifs de Règlement de Différends commerciaux deviennent de plus en plus sollicités par les opérateurs économiques. Malgré la Pandémie de la Covid-19 qui n’y a strictement rien changé, si ce n’est dans un sens (positif), inespéré de toute la communauté arbitragiste et économique, les MARD (Modes Alternatifs de Règlement de Différends) se sont adaptés et ont « muté ». De la forme classique connue de tous, la Pandémie a permis aux différents Centres d’arbitrage et de médiation de se réinventer et surtout, de se rendre compte des possibilités, jusqu’ici inexplorées des procédures d’arbitrage. Le Centre de Médiation & d’Arbitrage du GICAM en abrégé ‘’CMAG’’ n’a pas échappé à cette réalité. De fait, le CMAG l’a anticipée. Les textes régissant l’arbitrage du Centre ont été modifiés en décembre 1993 et plus récemment, le 1er novembre 2019. Les nouveaux services offerts par le CMAG (la médiation, l’arbitrage d’investissement, le Centre comme Autorité de nomination ou de proposition) sont autant de facteurs ayant permis au CAG devenu depuis la dernière réforme, le CMAG,  de s’arrimer à la pratique arbitrale internationale.

La présente session de Clinique Juridique (CJ) se propose donc d’édifier le public cible sur les MARD selon le CMAG. Il ne s’agira donc pas de discuter des autres centres d’arbitrage, mais de la manière dont le CMAG administre les procédures d’arbitrage et de médiation.

I – DEFINITION ET CARACTERISTIQUE DE L’ARBITRAGE  ET LA MEDIATION

L’arbitrage et la médiation sont deux modes de règlement alternatif de litiges offertes par le CMAG bien que différentes par leur nature.

A – Définition de l’Arbitrage et de la Médiation

L’Acte Uniforme OHADA ne donne pas de définition directe de ce qu’est l’arbitrage, mais indique les modalités de sa mise en œuvre. L’arbitrage peut être défini comme étant un mode « alternatif » juridictionnel de règlement des différends commerciaux dans lequel une personne privée appelée « arbitre » intervient pour rendre des décisions qui engagent les parties ayant fait appel à cet arbitre. On dit que l’arbitrage est institutionnel lorsqu’il est administré par un Centre ou institution d’arbitrage, ou ad hoc, lorsqu’il est administré directement entre les parties à l’arbitrage et le tribunal arbitral ad hoc. L’Acte Uniforme OHADA indique à son article 3-1 que la convention d’arbitrage prend la forme d’une clause compromissoire ou d’un compromis. De cette disposition, y’a lieu de dire que ce mode de règlement de différends commerciaux est essentiellement consensuel, car les parties doivent avoir volontairement signé un contrat comportant une clause d’arbitrage (antérieur à tout conflit) ou un compromis d’arbitrage, qui est un accord que les Parties ont la possibilité de signer une fois le litige né.

Par contre, l’article 1 de l’Acte Uniforme du 23 novembre 2017 relatif à la Médiation définit le terme « médiation » comme étant tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport contractuel ou d’un désaccord découlant d’un rapport juridique contractuel ou  autre, ou lié à un tel rapport impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des Etats.

B – Caractéristiques de l’Arbitrage & de la Médiation

Les deux Modes Alternatifs ont des similarités : l’arbitrage et la médiation sont confidentiels, sauf accord exprès et écrit contraire de toutes les Parties ; la célérité des deux processus fait leur attrait dans le monde des affaires ; le caractère obligatoire (exécutoire) des décisions (sentences)  en arbitrage et des accords de médiation ; l’absence de recours sur le fond (pas d’appel, de pourvoi en cassation)  contre la sentence arbitrale et les possibilités de faire homologuer pour exécution forcée, au besoin, des accords de médiation, la liberté dans la désignation des arbitres et médiateurs (la possibilité de les récuser et révoquer aussi) ; la possibilité d’avoir des coûts connus d’avance (en arbitrage institutionnel car les frais sont facturés sur la base d’un barème d’accès public) ; l’essence de l’exécution volontaire des sentences arbitrales et des accords de médiation.

II – LA MISE EN ŒUVRE DE L’ARBITRAGE & DE LA MEDIATION CMAG

A – La mise en œuvre de l’Arbitrage CMAG (Cf. Article 6 du RA CMAG du 1er novembre 2019)

Le CMAG a, conformément à l’article 4-2 de son Règlement d’arbitrage, pour mission d’administrer les procédures d’arbitrage. Il peut donc être valablement saisi sur la base d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage. Il est également prévu qu’il soit saisi sur la base d’un instrument relatif aux investissements (possibilité qui n’existait pas dans les précédents règlements).

La demande d’arbitrage doit être adressée en conformité avec l’article 6 du RA CMAG de 2019. Elle fait par la suite, l’objet d’un examen par le Secrétariat Général du Centre qui, s’il la juge incomplète, en informera la Demanderesse et lui indiquera les éléments à compléter. La demande ne peut en aucun cas être notifiée à la Défenderesse sans avoir été jugée conforme par le Secrétariat Général (c’est pourquoi l’article 6-2 al.5 du Règlement indique que « …seul le dépôt d’une demande CONFORME du Règlement constitue l’acte introductif de l’instance arbitrale susceptible d’interrompre un délai de prescription ». A l’appui de la demande, la partie doit verser des frais d’examen qui sont de FCFA 250,000. Cette somme est non remboursable. Une fois la Demande d’arbitrage complète déposée, elle est sans délai notifiée à la partie / ou aux Parties Défenderesses. Il leur est également transmis les différents textes, ainsi que la liste des arbitres du Centre.

B – La mise en œuvre de la Médiation CMAG, Article 7 du RM du CMAG du 1er novembre 2019

Comme pour l’arbitrage, le Centre est saisi en matière de médiation par une “Demande” qui doit être conforme aux dispositions de l’article 7-1 du Règlement. Cette demande de médiation pour être recevable, doit être accompagnée des frais d’examen qui s’élèvent a FCFA 250 000 FCFA. Si jugée conforme, elle est aussitôt notifiée à la partie visée par la demande susmentionnée (avec tous les textes prévus par le Règlement) et leur donne un délai de 10 jours pour répondre. Il est clair que la célérité est encore plus de mise en médiation, car en comparaison, le délai pour répondre à la demande d’arbitrage selon le CMAG est de 30 jours. Si non conforme, le Secrétariat informe la Demanderesse afin qu’elle fournisse les éléments manquants. Lorsque le Centre est désigné par une juridiction, le Secrétariat invite les Parties à se mettre d’accord sur le nom d’un médiateur dans un délai de 15 jours (cf. art. 7-3 du RM CMAG). En cas d’absence de réponse à la demande de médiation, le Centre procède à la nomination d‘un ou de deux médiateurs.

III – LA CLAUSE D’ARBITRAGE ET DE MEDIATION

La clause d’arbitrage et de médiation doivent être rédigée correctement afin de produire des effets.

A – Rédaction & Effets de la Clause d’Arbitrale selon le CMAG

Pour mettre en œuvre une procédure d’arbitrage, il est primordial de la rédiger correctement. La rédaction efficace de la clause doit comporter les éléments ci-après : un préambule qui désigne nommément le Centre d’arbitrage devant administrer la procédure (exemple : CMAG), le lieu/siège de l’arbitrage (intérêt – Exécution envisagée de la sentence – due diligence suivant Convention de New-York de 1958 sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères), la langue de l’arbitrage, la composition du tribunal arbitral (Un ou trois arbitres), les critères de désignation du président de la formation arbitral, si Tribunal arbitral collégial, l’amiable composition, la loi applicable au fond du litige, les règles applicables à la procédure, la loi applicable à la convention d’arbitrage (important, mais pas nécessaire, compte tenu de la position de l’AUA, Cf. Art. 4 AUA, l’exécution provisoire de la sentence arbitrale, le cas échéant et l’engagement à l’exécution volontaire.

Les effets de la convention d’arbitrage. Le premier effet de la convention d’arbitrage touche à l’effet relatif des conventions. Elles n’ont, en principe, aucun effet pour des tiers. Mais il existe cependant des exceptions ou des personnes non signataires (Chaines de contrats par exemple), qui peuvent intervenir dans une procédure d’arbitrage dont elles n’ont pas signé la clause d’arbitrage. Comme autres effets, nous pouvons citer entre autres l’exclusivité de compétence de la juridiction arbitrale et par voie de conséquence : l’incompétence de la juridiction étatique dès que l’une des parties soulève l’existence de la convention d’arbitrage (cf.art.11 AUA), le principe COMPETENCE-COMPETENCE (Aspect positif et Aspect négatif) voir également l’article 25-2 du Règlement d’Arbitrage CMAG du 1er novembre 2019, et enfin le contrat d’arbitrage et le contrat d’arbitre, conséquences directes de la clause d’arbitrage.

B – Rédaction & Effets de la Clause de Médiation selon le CMAG

L’Annexe II du Règlement du CMAG du 1er novembre 2019 donne des modèles de clauses de médiation : la forme de la médiation devant très clairement être indiquée dans la clause de médiation (simple échange entre les parties ou discussion avec participation d’un tiers (médiateur) et le caractère de l’issue (facultative ou obligatoire pour les parties). C’est seulement dans le cas d’un échec sur la procédure amiable ayant effet obligatoire pour les parties qu’une procédure judiciaire ou arbitrale sera admise.

IV – LES FRAIS D’ARBITRAGE & LES FRAIS DE MEDIATION

A – Les frais d’Arbitrage au CMAG : Cf. art. 12 du RA CMAG et l’Annexe III du Règlement d’arbitrage

Les frais d’Arbitrage au CMAG sont identifiés par l’Annexe III du Règlement CMAG comme étant : « Tous les frais occasionnés par la procédure d’arbitrage à savoir notamment : Les frais d’examen de la demande, les honoraires du Tribunal arbitral, les frais administratifs du Centre, les débours éventuellement exposés par le Tribunal arbitral et par le Centre ans la condition de leur mission » et peuvent aussi comprendre les débours des témoins, les honoraires et débours des experts, ainsi que des conseils des Parties lorsqu’ils sont justifiés et raisonnables, les frais relatifs à l’enregistrement et à l’exécution de la sentence.

Le règlement de ces frais d’arbitrage est un facteur bloquant ou débloquant de la procédure d’arbitrage, selon que les Parties sont de bonne foi, ou pas. Ou encore selon qu’elles ont des demandes raisonnables, ou pas. Ou encore (enfin, ce qui est la conséquence de la 2e possibilité), qu’elles soient impécunieuses, ou pas. Les frais sont dus par parts égales entre les parties (idem s’il y a plusieurs Demandeurs et plusieurs Défendeurs). Le non-paiement de ces frais par les parties entraine le classement de l’affaire. Toutefois, il convient de noter à propos du classement de l’affaire pour non-paiement que l’article 12-5 du Règlement d’arbitrage prévoit qu’une partie pour mettre en œuvre la procédure, doit payer pour la partie défaillante (il appartiendra alors au Tribunal arbitral d’en tirer toutes les conséquences et de sanctionner, le cas échéant, le mauvais comportement procédural de la partie concernée). Ainsi, seul le paiement intégral garanti la transmission du dossier au Tribunal. Il peut y avoir des demandes additionnelles et/ou reconventionnelles, des demandes indéterminées dont les conséquences peuvent être l’annulation d’un contrat.

B – Les frais de Médiation au CMAG Cf. ANNEXE III art. 1 du Règlement de Médiation du CMAG

Les frais de Médiation au CMAG comprennent tous les frais occasionnés par le déroulement de la médiation conformément au Règlement à savoir les honoraires du médiateur, les frais administratifs, les débours éventuellement exposés par le médiateur et par le Centre dans la conduite de leur mission. Les demandes indéterminées sont également prises en compte dans le calcul de la provision des frais de médiation.

Comme en arbitrage, ces frais sont dus par parts égales entre les Parties. L’absence de paiement gèle la procédure, comme en arbitrage. En cas de défaillance d’une partie (Médié), l’autre peut payer à sa place. Le barème des frais de médiation du Centre peut être consulté avant la saisine du Centre pour une évaluation précise des coûts de la médiation à prévoir (Cf. Partie II de l’ANNEXE III du RM du CMAG).

V – L’INSTANCE ARBITRALE ET LE PROCESSUS DE MEDIATION CMAG

L’instance arbitrale CMAG. Une fois que la demande d’arbitrage a été faite conformément à l’article 6 du Règlement d’Arbitrage CMAG et les frais intégralement payés comme prévu à l’article 12 et Annexe III du RA CMAG, le Tribunal arbitral est constitué (Cf. art. 9 du RA CMAG – Indépendance, obligation de révélation, impartialité, conflits d’intérêt) et les arbitres vont procéder à leur déclaration d’indépendance (Cf. Art. RA CMAG), gérer le cas échéant les cas de récusation et/ou de révocation – idem. La confirmation du Tribunal arbitral est faite par le Comité Permanent du Centre (cf. art. 2-2 et 9 du RA CMAG).  Une fois le dossier transmit au tribunal arbitral conformément a l’article 12-5 al.2 du RA CMAG, il doit s’en suivre la tenue de l’audience de Cadrage / Acte de mission (Cf. Art. 14 RA CMAG), l’échange d’écritures entre les Parties (Cf. art 18 RA CMAG), la conférence de procédure, s’il y lieu, puis, l’audience de Plaidoiries, la reddition du projet de sentence arbitrale au Centre et son examen préalable par le Comité Permanent en abrégé CP (Cf. art. 32-1 du RA CMAG), le Renvoi du projet au Tribunal arbitral avec les observations du Comité Permanent : Observations contraignantes, sur la forme, et non contraignantes, sur fond (Extension du pouvoir d’appréciation du Centre tout en respectant l’indépendance et l’impartialité du Tribunal arbitral) – Cf. art. 33 du RA CMAG. La Reddition de la sentence finale est encadrée par les articles 34 & 35 du RA CMAG et la notification de la sentence aux Parties par l’article 36-2 du RA CMAG.

Le processus de médiation CMAG. Une fois la demande de médiation est faite conformément à l’article 7 du RM CMAG, la réponse à la demande de médiation est donnée (Cf. art. 8 RM CMAG) peut s’en suivre le choix du ou des médiateurs conformément à l’article 9 du Règlement de Médiation CMAG et les réunions de médiation (Plénière, caucus) – art. 10 RM CMAG. Les parties doivent être de bonne foi dans le processus de médiation (cf art. 11 RM CMAG) et en cas d’accord dans un processus obligatoire, celui-peut être homologué par le Juge compétent ou par un Notaire. Dans un processus non contraignant, les Parties ne peuvent pas s’obliger à l’exécution des accords de la médiation.

VI – LES SEPTS (07) BONNES PRATIQUES A APPLIQUER « TAKE AWAY »

Aux termes de la présente session de Clinique Juridique (CJ), il y’a lieu de relever sept (07) bonnes pratiques à appliquer à savoir :

  1. La formation continue en arbitrage (Participations aux formations approfondies pratiques, assistance aux colloques, conférences, séminaires, etc.) est indispensable.
  2. Le choix des arbitres qui se fait sur des critères objectifs, et subjectifs. Les parties à l’arbitrage qui ont un devoir de « curiosité » sur les arbitres pressentis.
  3. La sentence arbitrale n’est pas susceptible d’appel, ni de pourvoi. Un recours en annulation est possible devant le juge compétence. Au Cameroun, c’est le Président de la Cour d’appel du lieu de l’arbitrage.
  4. La procédure d’obtention de l’exequatur n’est pas contradictoire.
  5. Faire une due diligence avant le choix du siège de l’arbitrage pour s’assurer notamment de ce que l’état où est envisagé l’exéquatur est signataire de la Convention de New-York de 1958.
  6. Il faut toujours prendre part à une procédure. Une décision rendue en l’absence d’une partie est réputée contradictoire et la partie pourra très difficilement attaquer la sentence en annulation sous l’empire de l’article 26 de l’AUA.
  7. Une rédaction efficace de la clause d’arbitrage et de médiation est la clé pour les mettre en œuvre efficacement. Le recours à un expert est quelques fois nécessaire pour éviter les clauses pathologiques.

Réalisé par : Ghislain MOTSEBO, Juriste Assistant auprès de l’ACJE
Revue par : Mme Stella NSATA BANZEU, Juriste Senior et Secrétaire Générale Adjointe auprès de l’ACJE

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