COMPRENDRE ET MAITRISER LE CONTENTIEUX DOUANIER
Par M. Edmond AKOA MBALLA et Mme Sandrine SOPPO PRISO – Mercredi, le 10 mars 2021

Le contentieux douanier est défini comme l’ensemble des règles relatives à la naissance, au déroulement et la conclusion des litiges ayant pour objet, l’interprétation et l’application du droit douanier. En d’autres termes, il s’agit de tous les litiges nés à l’occasion ou au cours du fonctionnement du service des douanes et dont la résolution est soumise aux règles et procédures spécialement aménagées par le Code des Douanes.

Dans le cadre de ses missions répressives et de consolidation de sa quote-part dans les recettes de l’Etat qui fait face à de nombreuses crises sécuritaires et sanitaires, le contrôle est un moyen de recouvrement et sécurisation des recettes douanières. A cet effet, il est opportun pour l’usager des douanes d’en connaitre les règles. D’où l’objectif d’outiller au maximum les participants à la clinique juridique lors de la conduite d’un contentieux douanier.

I- Phase précontentieuse : les préalables à la signature d’un procès-verbal de constat

  1. Faits à l’origine d’un contrôle douanier.

Le contrôle douanier vient en amont du contentieux. Ce dernier peut être motivé pour plusieurs raisons notamment le bénéfice d’un régime douanier économique ; l’inexécution des engagements souscrits dans les acquis à caution ou soumission ; l’incohérence entre le RVC et la Déclaration d’Importation (DI) ; l’incohérence sur l’origine, la valeur et l’espèce ; le dépôt d’une lettre de cessation d’activités ; le volume et le montant des transferts à l’étranger ; les incohérences relevées dans la DSF ; l’exploitation de documents reçus dans le cadre de l’exercice du droit de communication.

  1. Typologie des contrôles douaniers et champ de compétence.

On dénombre trois (3) types de contrôles fiscaux au Cameroun : le contrôle immédiat, le contrôle différé et le contrôle a posteriori.

Le contrôle immédiat. Il est fait pendant que la marchandise est encore sous la sujétion douanière, peut porter aussi bien sur la marchandise que sur la déclaration douanière et ses pièces jointes et, relève de la seule compétence des services de douane de première ligne à savoir les bureaux de douane.

Le contrôle différé. Il s’agit d’une mesure de contrôle grâce à laquelle l’administration des douanes s’assure après enlèvement de la marchandise, de l’exactitude et de l’authenticité des déclarations en douane, par le biais de vérifications approfondies de la liasse documentaire relative à la déclaration en détail produite lors des contrôles immédiats.

Le contrôle a posteriori : Il s’agit d’une mesure de contrôle grâce à laquelle l’administration des douanes s’assure, après enlèvement de la marchandise ou toute opération financière du commerce extérieur et des changes, de l’exactitude, de l’authenticité des déclarations et des opérations en douane ainsi que le respect de toute règlementation que l’administration est chargée d’appliquer, par le biais de vérifications portant notamment sur les livres, système comptable, données commerciales et financières pertinentes détenues par des personnes ou les entreprises directement ou indirectement concernées par la transaction internationale.

  1. Récapitulatif de la procédure précontentieuse
Type de contrôle Lieu Champ Déroulé
 

Contrôle Immédiat

 

La procédure de contrôle est concomitante à l’opération de dédouanement soit avant ou au cours.

 

Le contrôle avant dédouanement porte le respect des formalités de conduite notamment marchandises, moyens de transport et personnes. Quant au contrôle au cours du dédouanement il porte sur les marchandises et les conditions générales de la transaction commerciale (Ensemble des contrôles documentaires jusqu’à l’obtention du BAE).

 

 

Elle porte sur les déclarations et marchandises.

 

Elle se passe dans les locaux de l’administration douanière par le bureau de douane.

 

Contrôle différé

 

Dans les services du secteur des douanes chargés du contrôle différé en l’occurrence les Brigades des contrôles

 

Le contrôle différé s’opère sur les énonciations de la déclaration en détail, en lien avec les pièces jointes à ladite déclaration et portent exclusivement sur les déclarations en douane validées au secteur des douanes qui les initient ;

 

Ils ne peuvent être initiés qu’après mainlevée des marchandises.

 

Sous réserve des cas de prescription trentenaire prévus par le Code des Douanes (Articles 332 et 333), les contrôles différés portent sur une période n’excédant pas trois ans pour compter de la date de sortie des marchandises couvertes par la déclaration en détail concernée.

 

Phase d’analyses et de ciblage

Lorsque l’examen de la déclaration en détail liquidée révèle des incohérences ou des indices de fraude ou de violation de la règlementation douanière, le contrôleur adresse des demandes d’informations ou d’explications complémentaires par voie électronique notamment aux commissionnaires en douane concerné ou au propriétaire des marchandises le cas échéant.

 

La phase d’échanges avec le contribuable

 

Le CDA ou le contribuable dispose de 8 jours pour répondre ;

 

L’absence de réponse et/ou le refus de se présenter à cette convocation est assimilé à l’infraction d’opposition aux fonctions. Le refus de production des pièces requises par le service dans le cadre d’un contrôle différé constitue une infraction de non communication des pièces prévue et réprimée par le Code des Douanes CEMAC.

 

La clôture des contrôles différés

Lorsque les échanges subséquents aboutissent à la constatation d’infractions et/ou des manquements à la règlementation douanière, il est procédé, dans les bureaux de la brigade des contrôles, à la rédaction du Procès-verbal de constat

 

Contrôle à posteriori

 

Il s’exerce au siège de la société ou au lieu de son principal établissement. Toutefois, en cas de nécessité et à l’initiative de l’administration, ils peuvent s’effectuer dans les locaux des personnes physiques ou morales directement ou indirectement liées au contribuable soumis au contrôle. Une demande de délocalisation peut être soumise en cas d’absence de commodités

 

Le contrôle à posteriori s’opère sur une période non prescrite de 3 ans sous réserve de prescription trentenaire, il peut concerner une ou plusieurs opérations d’importations.

 

Avis de passage notifié le Chef de Division des Enquêtes; Une demande de report dûment motivée peut être introduite dans un délai de 8 jours après réception de l’avis de passage. Le report ne saurait excéder 15 jours de la date initialement prévue.

 

Les débuts des travaux sur place sont marqués par l’établissement d’un PV d’ouverture d’enquête qui reprend l’identité des parties, l’objet la période de contrôle et la documentation support y figure. Le retard dans la transmission de documents entraine une Mise en demeure (MED) dans un délai maximum de huit (08) jours à l’issue desquels la carence est constatée.

 

Les constatations provisoires, observations et autres recommandations de la mission doivent faire l’objet de Procès-Verbal d’Infraction (PVI) ou de lettres d’observations adressées aux responsables et agents des organismes contrôlés ; Les PVI dûment enregistrés doivent systématiquement être notifiés à l’entité contrôlée, mentionnant clairement les manquements relevés, son droit de se faire assister par un expert douanier agréé de son choix.

 

Les contestations subséquentes aux procès-verbaux régulièrement signés, soulevées par l’assujetti, doivent satisfaire aux conditions d’exercice de recours prévues par la règlementation en vigueur ; Le rapport d’enquête est transmis au contrôlé dans un délai de 15 jours,

 

MANAGEMENT DU RISQUE LIE AU CONTROLE : IDENTIFICATION DES RISQUES ET ACTUALITE DES PRINCIPAUX CHEFS DE REDRESSEMENT.

L’identification du risque est un processus de recherche, de reconnaissance et de description des risques. Les bonnes pratiques en matière d’identification du risque, sont entre autres :

  • Avoir une parfaite maitrise de son activité import et export ;
  • Une parfaite maitrise de la détermination de la valeur, de l’espèce tarifaire et de l’origine ;
  • Une veille juridique et règlementaire ;
  • La demande de « décision anticipée ou renseignement contraignant » (Rescrit douanier) ;
  • Mécanisme d’audit des opérations douanières ;
  • Fichier de suivi des opérations d’importation/export et des apurements ;
  • Le recours à un conseil !

II – LA PHASE CONTENTIEUSE: PV DE CONSTAT SIGNE AVEC RESERVES ELEMENT DECLENCHEUR DE LA PROCEDURE

PHASE

CONTENTIEUSE

 

PHASE NON JURIDICTIONNELLE PHASE JURIDICTIONNELLE
 

Signature d’un PV de constat avec des réserves

 

 

Recours hiérarchique devant le Directeur Général des Douanes

 

Recours de second niveau devant la Commission des litiges douaniers

 

Recours devant le Conseil des Ministres de l’Union Economique des Etats de l’Afrique Centrale.

 

Tribunaux de l’ordre judiciaire (Tribunaux de police ou correctionnelles suivant les infractions).

 

La phase contentieuse est une phase contradictoire à l’instar de la phase précontentieuse :

 

TYPOLOGIE DE CONTROLE

 

PHASE CONTENTIEUX NON JURIDICTIONNELLE

 

 

PHASE CONTENTIEUX NON JURIDICTIONNELLE

Instance en premier ressort Instance en second ressort Instance en troisième ressort
 

1. Contrôle immédiat

 

2. Contrôle différé

 

3. Contrôle a posteriori

 

Les recours contre les constatations de l’Administration des Douanes sont recevables aux conditions ci-après :

 

Le procès-verbal doit être signé avec des réserves explicites sur les différentes constatations du service;

 

Tout recours contre un procès-verbal non signé du requérant ou déposé au-delà d’un délai de trente (30) jours francs est irrecevable ;

 

Le recours doit, sous peine de forclusion, être adressé directement au Directeur Général des Douanes dans un délai de trente (30) jours francs à compter de la notification du procès-verbal querellé et de l’amende éventuelle ;

 

Le recours doit être accompagné d’une soumission contentieuse dont le montant est de :

 

• 100 % des droits et taxes pour les contrôles immédiats et différés;

 

• 20% des droits et taxes de douane éludés contestés pour les contrôles a posteriori ou 20% de l’amende fixée quand il n’existe pas de droits et taxes éludés.

 

Lors de l’exercice des recours non judiciaires, l’entité contrôlée peut se faire assister par un Expert douanier agréé de son choix.

 

En cas de rejet tacite ou expresse du DGD, l’entité contrôlée peut, sous peine de forclusion, introduire un nouveau recours auprès de la Commission d’arbitrage des litiges douaniers dans un délai de 30 jours ;

 

Ce recours est accompagné de la soumission contentieuse qui a été produite lors de la saisine du DGD.

Cette commission est présidée par un responsable du MINFI et est fondée à recevoir en seconde instance tout type de recours en douane découlant des contestations des constatations des contrôles immédiats, différés ou a posteriori.

 

En cas d’insatisfaction devant la commission d’arbitrage des litiges douaniers, le redevable saisit le Conseil des ministres de l’UEAC dans un délai de 30 jours francs à compter de la date de la notification de la décision ;

 

Cette saisine ne donne pas lieu à une nouvelle soumission contentieuse. Elle n’a cependant pas d’effet suspensif.

 

Les instances judiciaires nationales ne sont compétentes à statuer que lorsque les voies de recours non judiciaires n’ont pas abouti ;

 

L’introduction d’un recours devant les instances judiciaires n’est pas suspensive de l’exécution de la décision du Conseil des Ministres de l’UEAC contestée;

 

Les tribunaux de police connaissent des contraventions douanières (infraction punit d’une amende) et de toutes les questions douanières soulevées par voie d’exception (recours en annulation d’un acte).

 

Les tribunaux correctionnels connaissent de tous les délits de douane (infraction punit d’une peine) et de toutes les questions douanières soulevées par voie d’exception.

Ils connaissent pareillement des contraventions de douane connexes, accessoires ou se rattachant à un délit de douane ou de droit commun.

 

Les tribunaux d’instance connaissent des contestations concernant le paiement ou le remboursement des droits, des oppositions à contrainte et des autres affaires de douane n’entrant pas dans la compétence des juridictions répressives.

 

 

 

III – MODE ALTERNATIF DE RÉSOLUTION DES CONTENTIEUX DOUANIERS : CONSÉCRATION DE LA TRANSACTION COMME TECHNIQUE D’ÉVITEMENT DU CONTENTIEUX DOUANIER

Soulard ne disait-il pas déjà que le contentieux douanier est très mal connu des magistrats, pratiqué par un nombre fort restreint d’avocats, peu traité par la doctrine et rarement enseigné à l’université ?

Cette assertion pourrait justifier le recours quasi systématique à la transaction en douane.

 

LIBELLE

 

 INITIATEUR  CHAMP  MODALITES
 

TRANSACTION (Art 327)

 

La personne poursuivie

 

1. La transaction peut intervenir avant ou après jugement définitif.

 

2. la transaction laisse subsister les peines corporelles si elle intervient après un jugement définitif.

 

1. Le droit de transaction en matière d’infractions douanières est exercé de façon différente selon que les infractions

sont ou paraissent préjudiciables à plusieurs États sont préjudiciables à un seul État.

 

2. Dans le premier cas, il est exercé par le Conseil des Ministres de l’UEAC lorsque le litige porte sur des sommes supérieures à 250.000.000 de francs de droits éludés ou compromis ou à 500.000.000 de francs de valeur s’il n’y a pas de droit compromis ; par le Secrétaire Exécutif de la CEMAC lorsque le litige porte sur des sommes inférieures à ces maxima l’infraction a été commise par un ou des voyageurs et n’a pas donné lieu à poursuites judiciaires;

 

l’infraction doit être sanctionnée par une amende de principe.

 

3. Dans le second cas, il est exercé par le Ministre de l’État considéré lorsque le litige porte sur des sommes supérieures à 50.000.000 de francs de droits éludés ou compromis ou à 300.000.000 de francs de valeur s’il n’y a pas de droits compromis, et par le Directeur National des Douanes lorsque le litige porte sur des sommes inférieures à ces maxima ; l’infraction a été commise par un ou des voyageurs et n’a pas donné lieu à poursuites judiciaires ;

 

l’infraction doit être sanctionnée par une amende.

Réalisé par : Ghislain MOTSEBO, Juriste Assistant auprès de l’ACJE
Revue par : Mme Stella NSATA BANZEU, Juriste Senior et Secrétaire Générale Adjointe auprès de l’ACJE

Photos de famille