ENJEUX ET RESPONSABILITÉS DU DIRECTEUR JURIDIQUE DANS LA PRISE EN COMPTE DE LA RSE EN ENTREPRISE
M. IBRAHIMA SOULEMANOU, Responsable juridique de CIMENCAM CAMEROUN S.A – Jeudi, le 21 juillet 2022

À l’occasion de la troisième session de rencontre des Directeurs Juridiques encore appelée General Counsel Corner Meeting (GCCM), organisée par l’Association Camerounaise Des Juristes d’Entreprises (ACJE), Monsieur M. IBRAHIMA SOULEMANOU,Juriste de formation et Responsable juridique de CIMENCAM CAMEROUN S.A s’est livré à une interview au cours de laquelle il a partagé son expérience sur les « Enjeux et responsabilité du Directeur Juridique dans la prise en compte de la RSE en Entreprise ».

M. IBRAHIMA SOULEMANOU est un juriste d’entreprise diplômé des Universités de Marrakech au Maroc et de Dschang au Cameroun. Il cumule une expérience significative de seize (16) années dans l’industrie des matériaux de construction.

Il a pendant plusieurs années travaillé en tant que Responsable Juridique pour des grands groupes tels que CIMENCAM et TEXACO Cameroun.

Il  est compétent en matière de négociation, de management des contrats, de restructuration et gouvernance d’entreprise. Son intérêt pour l’acquisition de nouvelles compétences, la promotion du droit et la sécurisation des investissements l’a poussé à rejoindre l’Association Camerounaise des Juristes d’Entreprises (ACJE).

De manière synthétique, l’on peut retenir les questions et réponses suivantes :

ACJE : C’est quoi la RSE ?

M. IBRAHIMA SOULEMANOU (IS) : La RSE doit être vue dans le sens de la définition donnée par la commission européenne, comme étant l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. On parlera de la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable.

ACJE : Pourquoi la RSE est considérée comme un levier stratégique pour l’entreprise ?

IS : L’environnement des entreprises a considérablement changé depuis quelques décennies grâce à la pratique de la RSE. L’entreprise connaissait des risques dans un contexte imprévisible car les consommateurs devenaient critiques et voulaient que les entreprises respectent mieux les lois, l’environnement et soient plus responsables de manière générale. Au rang de ces risques, l’on peut noter entre autres :

  • Les risques économiques: Pertes de parts de marché, baisse des ventes, boycott, engagement d’actions en justice, paiement de pénalités, opposition des investisseurs éthiques, etc.
  • Les risques sociaux : Baisse de productivité, perte de personnel, absence de motivation, opposition aux pouvoirs publics, augmentation des accidents, des grèves, des sabotages, augmentation de l’attention des groupes de pressions tels que les syndicats …
  • Les risques environnementaux : les atteintes à la réputation, l’impact des activités sur l’environnement écologique (émission de déchets et effluents etc.), l’utilisation des ressources naturelles (eau, sol, énergie etc.), Non-respect de la réglementation …

Grace à l’émergence de ces risques, les grandes entreprises ont peu à peu commencé à prendre conscience et à se concentrer sur l’impact qu’elles ont sur la communauté, afin de gagner d’avantage la confiance de celle-ci et d’en tirer elle aussi bénéfice à long terme.

ACJE : Quels sont les défis juridiques liés à la pratique de la RSE ?

IS : La pratique de la RSE est à l’heure actuelle au Cameroun et dans plusieurs autres pays, en plein essor. Elle ne remplace pas les autres missions de la direction juridique qui restent tout autant stratégiques, elle s’ajoute à un champ d’action qui s’élargit progressivement, ce qui soulève la nécessité de renforcer les compétences de la Direction Juridique pour adresser ces nouveaux sujets. Les directions juridiques doivent s’organiser pour absorber cette donne, anticiper et accompagner au mieux la vie de leurs entreprises.

La pratique de la RSE est un moyen pour les entreprises qui cherchent à définir de nouveaux moyens d’agir pour le développement durable, afin d’améliorer leur performance et aussi leur image. Cette pratique a favorisé en termes de développement durable pour les entreprises : le déplacement des communautés, une réelle satisfaction des consommateurs et les lois sur la concurrence. La RSE est devenue aujourd’hui, un référentiel conseillé par des investisseurs capables de lever encore plus d’argent pour avoir un index de ESG positif. Il en est ainsi parce que d’un point de vue financier, la RSE est mesurable.

Aux Etats Unis par exemple, il est souvent demandé aux cabinets, le respect de certaines normes qui peuvent aider l’entreprise à s’adapter.
Au Gabon, les obligations vertes ont évolué au point de devenir une réalité. A titre d’exemple, pour lever des fonds pour l’extension du port il y’a sept ou huit mois, la RSE était un des critères pour les investisseurs.
De même le banquier, pour donner du crédit à une entreprise, observe très souvent certains critères parmi lesquels le niveau de sociabilité de cette entreprise.

ACJE : Pourquoi le juriste d’entreprise/la direction juridique doit s’intéresser à la RSE ?

IS : La RSE est un levier stratégique pour l’entreprise, une nouvelle armure dans laquelle le juriste d’entreprise peut s’insérer afin d’apporter de nouvelles contributions au développement de nouvelles opportunités pour l’entreprise. Aussi, elle se présente comme un outil de prévention du risque qui incite les parties prenantes à entrer dans une logique collaborative.

L’ère du juriste d’entreprise au cœur de l’innovation sociétale, à la tête des directions de développement durable a sans doute sonné !

ACJE : Quelle est la responsabilité de la direction juridique face aux enjeux de la RSE ?

IS : Les sujets de RSE modifient d’avantage le rôle du Directeur Juridique, qui devient un vrai partenaire du business. Il y a quelques années encore, le centre de gravité des thématiques RSE se trouvait au sein des directions de la communication, les directions juridiques ont désormais un rôle important à savoir :

  • Prévenir, Accompagner, Sécuriser ;
  • Construire une stratégie RSE alignée aux défis de l’entreprise et des enjeux de son secteur d’activité ;
  • Elaborer et faire vivre le dispositif normatif (lois, code de conduite, directives et procédures) au sein de l’entreprise, du groupe et du pays ;
  • Evaluer et ajuster sa stratégie RSE et ses actions ;
  • Mettre en œuvre une procédure d’évaluation des parties prenantes (bénéficiaires) dans un souci d’intégrité ;
  • Former les acteurs sur les risques ;

ACJE : Comment sensibiliser les PME à s’intéresser à la RSE ?

IS : Il revient à la direction juridique ou au juriste d’entreprise, de bien appréhender cette mouvance et de bien sensibiliser l’entreprise sur les bienfaits de la RSE. Cette opération de sensibilisation est importante parce que la plupart des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et même encore certains grands groupes sont encore au niveau où elles doivent comprendre qu’elles sont dans un environnement, qu’elles vivent et qu’elles ont un impact sur la communauté, qu’elles peuvent grâce à des actions RSE, avoir de la protection et de la valeur (renforcer leur réputation).

Réalisé par : Ghislain MOTSEBO, Juriste Assistant auprès de l’ACJE
Revue par : Mme Stella NSATA BANZEU, Juriste Senior et Secrétaire Générale Adjointe auprès de l’ACJE

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