Afin de s’arrimer aux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération (LBC/FT), notamment les recommandations du Groupe d’Action Financière (GAFI), les Etats de la CEMAC ont adopté le 11 avril 2016, le règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération. Face à la recrudescence des infractions liées au LBC/FT aussi bien sur le plan international que sous-régional, et compte tenu du rôle central que jouent les institutions financières dans la lutte contre la criminalité financière, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), dans la continuité du règlement CEMAC sus indiqué, a adopté en date du 19 décembre 2023, le Règlement COBAC R-2023/01 relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de LBC/FT. Ce texte entré en vigueur le 1er juillet 2024, vient abroger le règlement COBAC R-2005/01 du 1er avril 2005, adopté par la COBAC dans le sillage de l’ancien Règlement CEMAC N°01/03 du 04 avril 2003. Au rang des innovations apportées par ledit Règlement, on note l’obligation faite aux assujettis, de renforcer les mesures d’identification de la clientèle, notamment les bénéficiaires effectifs des personnes morales, des constructions juridiques et des contrats d’assurance-vie, non sans énumérer les autres diligences subséquentes. Au plan national, le Cameroun a introduit l’obligation pour les personnes morales, de déclarer les bénéficiaires effectifs dans le cadre de la Loi de Finances pour l’exercice 2023. La transparence des bénéficiaires effectifs est une exigence essentielle de la transparence fiscale internationale et de la lutte contre les flux financiers illicites liés à l’évasion fiscale, au financement du terrorisme, au blanchiment d’argent et à la corruption. Mais qu’est-ce qu’un bénéficiaire effectif ? Quelles sont les exigences réglementaires en la matière ? Comment procéder à l’identification des bénéficiaires effectifs ? Ces questions et bien d’autres seront abordées au cours de cette session d’échanges qui a pour but de contribuer à une meilleure compréhension des exigences relatives à l’identification des bénéficiaires effectifs.
IDENTIFICATION DES BÉNÉFICIAIRES EFFECTIFS DANS LES OPÉRATIONS FINANCIÈRES : CE QU’IL FAUT SAVOIR
par Marceau MPESSA Epse AYANGMA, Guy Martin AKONO & Mme Sandrine SOPPO PRISO – Mardi, le 10 décembre 2024, au Siège du GECAM
par Marceau MPESSA Epse AYANGMA, Guy Martin AKONO & Mme Sandrine SOPPO PRISO – Mardi, le 10 décembre 2024, au Siège du GECAM

I. CONCEPT DE BÉNÉFICIAIRE EFFECTIF
1. Définitions
Suivant les dispositions de l’article 1er alinéa 6 du Règlement COBAC R-2023/01 du 19 décembre 2023, relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, constitue un bénéficiaire effectif : “ la ou les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent un client et/ou la ou les personnes morales pour le compte desquelles une opération est effectuée. Sont également comprises dans cette définition, les personnes physiques qui exercent, en dernier lieu, un contrôle effectif sur une personne morale ou une construction juridique. ”
Ce Règlement a repris cette définition de l’article 1er alinéa 16 du Règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 et de l’article 2-a) du Décret N°2023/06801/CAB/PM du 27 septembre 2023 fixant les modalités d’application de l’article L8 quinquies du Code Général des Impôts relatif à la transparence du bénéficiaire effectif. Cet article 2-a) du Décret, précise que “ les expressions « en dernier lieu possèdent ou contrôlent » et « exercent en dernier lieu un contrôle effectif » désignent les situations où la propriété ou le contrôle sont exercés par le biais d’une chaîne de propriété ou par toute autre forme de contrôle autre que directe. ”
2. Entités soumises aux obligations en matière de bénéficiaires effectifs
• Les personnes assujetties en matière de LBC/FT
Institutions financières |
Entreprises et professions non financières désignées |
❏ Banques ;
❏ Établissements de microfinance ; ❏ Établissement de paiement ; ❏ Établissements de crédit-bail ; ❏ Établissements de transfert d’argent ou de valeurs ; ❏ Bureaux de change; ❏ Sociétés d’assurance et de réassurance ; ❏ Holdings financières sur base consolidée.
|
❏ Apporteurs d’affaires aux institutions financières ;
❏ Agents immobiliers et les courtiers en biens immeubles ; ❏ Avocats, notaires, huissiers de justice et autres membres de professions juridiques indépendantes lorsqu’ils préparent ou effectuent des transactions pour un client ; ❏ Auditeurs externes, experts comptables, conseils fiscaux ; ❏ Prestataires de services aux sociétés et fiducies; ❏ Casinos, y compris casinos sur Internet ; ❏ Négociants en de métaux précieux et pierres précieuses et autres.
|
● Les autres assujettis :
– Les personnes morales soumises à l’obligation d’immatriculation fiscale ;
– Les Organismes de placements collectifs, notamment les Fonds communs de placement (FCP) et les Sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) ;
– Les associations, fondations et de façon générale, tout organisme à but non lucratif ;
– Les administrateurs de constructions juridiques de droit étranger établis au Cameroun.
● Les entités dispensées
Conformément aux dispositions de l’article 7 de l’Arrêté n°761/1/MINFI/DGI du 04 décembre 2023, les Établissements Publics et les entreprises dont le capital est entièrement détenu par l’Etat du Cameroun ou par les personnes morales de droit public sont exclus du champ d’application de l’obligation d’identification et de déclaration des bénéficiaires effectifs. Par Conséquent, les sociétés d’économie mixte sont quant à elles assujetties.
III. CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE
1. Cadre international
● Recommandations du GAFI
● Standards du forum mondial en matière de bénéficiaire effectif
● Les Actes Uniformes OHADA
● L’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE)
La norme ITIE 2019, en son exigence 2.5, recommande aux pays, de rendre public les bénéficiaires effectifs des entreprises pétrolières, minières et gazières opérant dans le pays, Cette exigence est devenue obligatoire depuis 2020.
2. Cadre national
● Règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016, portant prévention et répression du blanchiment des capitaux, du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale ;
● Loi N°2022/020 du 27 décembre 2022 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2023 ;
● Décret N°2023/06801/CAB/PM du 27 septembre 2023 fixant les modalités d’application de l’article L8 quinquies du Code Général des Impôts relatif à la transparence du bénéficiaire effectif ;
● Arrêté N°761/1/MINFI/DGI du 04 décembre 2023 Précisant les modalités de mise en œuvre de certaines dispositions du Décret n°2023/06801/CAB/PM du 27 septembre 2023 fixant les modalités d’application de l’Article L8 quinquies du Code Général des Impôts relatif à la transparence du bénéficiaire effectif ;
● Circulaire N°021/MINFI/DGI/LRI/UEIR du 08 mai 2024 précisant les modalités de mise en œuvre des obligations des personnes morales et constructions juridiques en matière de bénéficiaires effectifs ;
● Règlement COBAC R-2023/01 du 19 décembre 2023, relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération.
IV. CRITÈRES DE DÉTERMINATION DU (DES) BÉNÉFICIAIRE (S) EFFECTIF(S)
Le Décret n°2023/06801/CAB/PM du 27 septembre 2023 fixant les modalités d’application de l’article l’article L8 Quinquies du Code Général des Impôts, précise en son article 3 que la détermination du bénéficiaire effectif des sociétés s’effectue suivant la méthode dite en « cascade », laquelle est constituée des trois (3) étapes suivantes :
● Etape 1 : Le contrôle par la détention du capital ou des droits de vote
● Etape 2 : Le contrôle par d’autres moyens
● Etape 3 : Le dirigeant principal, bénéficiaire effectif par défaut.
Ces étapes sont similaires à celles prévues à l’article 28 du Règlement COBAC R-2023/01 du 19 décembre 2023 qui définit la méthodologie de détermination du bénéficiaire effectif concernant les clients qui sont des personnes morales. Outre ces étapes, il existe des critères spécifiques de détermination des bénéficiaires effectifs pour les entités juridiques autres que les sociétés commerciales (exclusif des sociétés de personnes). Confère la Circulaire N°021/MINFI/DGI/LRI/UEIR du 08 mai 2024.
1. Le contrôle par détention du capital ou des droits de vote
Identifier les personnes physiques qui détiennent 20% ou plus des parts du capital ou des droits vote. Cependant, lorsque les personnes physiques détentrices de parts de capital de la personne morale sont solidairement et indéfiniment responsables du passif, elles sont toutes bénéficiaires effectifs, compte non tenu du pourcentage de leur participation au capital, ou de leur droit de vote dans la personne morale.
2. Le contrôle par d’autres moyens
S’il existe des doutes quant au fait de savoir si les personnes visées au point 1 sont bénéficiaires effectifs, il faut identifier la/les personne(s) physique(s) exerçant le contrôle de la personne morale par d’autres moyens.
Ces autres moyens incluent :
– Les droits de vote différenciés ;
– Le pouvoir de nommer la majorité des dirigeants ;
– Le contrôle au moyen d’instruments de dette ;
– Le contrôle par le biais de fonctions occupées au sein d’une personne morale ;
– Le contrôle par des moyens informels.
3. Le dirigeant principal, bénéficiaire effectif par défaut
Lorsqu’exceptionnellement aucune personne physique n’est identifiée à l’issue des étapes (1) et (2) ci-dessus, est identifiée comme bénéficiaire effectif, la personne physique qui occupe la position de dirigeant principal.
N.B: Cette étape doit être l’ultime recours après avoir mis en oeuvre les précédentes étapes de manière appropriée, et non une solution de facilité.
Au sens de la Circulaire N°021/MINFI/DGI/LRI/UEIR du 08 mai 2024 précisant les modalités de mise en œuvre des obligations des personnes morales et constructions juridiques en matière de bénéficiaires effectifs, le dirigeant principal est la personne physique disposant des pouvoirs les plus larges pour agir au nom de la personne morale. Il s’agit notamment de :
– Des gérants des SNC, des SCS, des SARL, des sociétés en commandite par actions et des sociétés civiles.
– Le PDG, ou le PCA et le DG d’une société anonyme avec conseil d’administration.
– Le Président et le Directeur Général d’une SAS.
– La ou les personnes physiques qui représentent légalement la société étrangère établie au Cameroun. Si les représentants légaux sont des personnes morales, le bénéficiaire effectif est la ou les personnes physiques qui représentent légalement ces personnes morales.
V. OBLIGATIONS DES ENTITÉS
La norme de transparence sur les bénéficiaires effectifs repose sur un certain nombre d’obligations incombant aux personnes morales notamment :
1. Obligation d’identification du bénéficiaire effectif
Les entités soumises aux réglementations liées aux bénéficiaires effectifs doivent identifier leurs bénéficiaires effectifs, ainsi que ceux de leurs clients le cas échéant (Article 6 du Décret).
● L’obligation de fournir les informations et les pièces justificatives pour l’identification du bénéficiaire effectif :
– Tout bénéficiaire effectif d’une personne morale est tenu de fournir par voie électronique ou par tout moyen laissant trace écrite, à la personne morale, sur demande ou non, les informations et pièces justificatives requises pour l’identification des bénéficiaires effectifs; En cas de changement de bénéficiaires effectifs, il dispose d’un délai de 30 jours pour fournir les informations ;
– Le responsable en charge de l’identification des bénéficiaires effectifs d’une personne morale ou à défaut un prestataire de services, est tenu d’adresser une demande d’information à toute personne morale détenant directement ou indirectement une participation dans une autre personne morale (à l’effet d’indiquer s’il est bénéficiaire effectif de la personne morale ou s’il connaît ou non l’identité de ce dernier);
– En cas de demande d’information, tout bénéficiaire effectif d’une personne morale qui la reçoit, est tenu de fournir par voie électronique ou par tout moyen laissant trace écrite, les informations et pièces justificatives requises dans un délai de 15 jours; En cas de manquement à cette obligation, le responsable doit signaler par courrier adressé au DGI ou à son Chef de Centre gestionnaire aux fins d’application des sanctions.
● L’obligation de documenter les actions entreprises pour identifier les bénéficiaires effectifs :
Le responsable chargé de l’identification des bénéficiaires effectifs est astreint à la tenue d’un document indiquant : (Art 5 du Décret N°2023/06801/CAB/PM du 27 septembre 2023)
– Les coordonnées de chaque personne physique à laquelle il a adressé une demande d’informations et de production des pièces justificatives requises pour l’identification des bénéficiaires effectifs ;
– L’intérêt de cette dans la personne morale ;
– La date à laquelle cette personne a reçu la demande;
– La date à laquelle cette personne a répondu à la demande;
– La date à laquelle une sanction a été appliquée pour défaut de réponse à la demande d’information;
– La date à laquelle la sanction a été levée après réponse à la demande par le bénéficiaire effectif.
● L’obligation de vérification des informations sur les bénéficiaires effectifs
Les entités doivent vérifier l’exactitude des informations et pièces justificatives fournies par les bénéficiaires effectifs. Tels que la CNI ou son récepissé, le passeport, le titre de séjour ou la demande d’asile, délivrés par un gouvernement, prouvant la nationalité ou la résidence et portant une photographie de la personne physique. (Art 5 (5) de l’Arrêté N°761/1/MINFI/DGI du 04 décembre 2023).
Ces vérifications consistent notamment à : (Art 12 du Décret N°2023/06801/CAB/PM du 27 septembre 2023)
– Comparer les informations fournies avec celles d’une base de données publique ou d’une autre source fiable (autre que le registre central des bénéficiaires effectifs);
– Rencontrer physiquement le bénéficiaire effectif ou faire une visite à son domicile;
– Obtenir une déclaration sur l’honneur du bénéficiaire effectif.
– Au besoin, effectuer un appel vidéo avec le bénéficiaire effectif, lequel sera enregistré et consigné.
● Les obligations spécifiques aux personnes assujettis en matière de LBC/FT
Conformément aux dispositions de l’article 21 du Règlement 01/CEMAC/UMAC/CM, et aux dispositions des articles 17, 19, 24, 30 et suivants du Règlement COBAC R-2023/01, les assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux sont tenus à :
➢ L’obligation d’identification avant d’entrer en relation d’affaires avec leur client ou de l’assister dans la préparation ou la réalisation d’une transaction :
– d’identifier leur client qu’il soit permanent ou occasionnel et de vérifier leur identité
– d’identifier le bénéficiaire effectif de leur client par des moyens adaptés et de vérifier son identité ;
➢ L’obligation d’élaborer une procédure systématique pour identifier leurs clients, vérifier leur identité et, le cas échéant, l’identité et les pouvoirs des personnes agissant pour leur compte et celle des bénéficiaires effectifs.
➢ L’obligation d’observer une vigilance particulière sur les clients, les personnes agissant pour leur compte, et les bénéficiaires effectifs (art 33 à 36 du Règlement COBAC R-2023/01)
– S’assurer que les opérations menées par les clients et, les personnes agissant pour leur compte, et les bénéficiaires effectifs sont conformes à la connaissance qu’ils ont de ces derniers, de leurs activités commerciales, de leur profil risque et de l’origine des fonds.
– Appliquer les mesures de vigilance renforcées lorsqu’il est établit que le bénéficiaire présente un risque élevé.
– Lorsqu’il est manifestement impossible à un assujetti de déterminer qui est le bénéficiaire effectif d’une société ou d’une entité, il ne peut établir, ni poursuivre la relation d’affaires, et ne doit par conséquent, effectuer aucune opération pour ce client. Si la relation d’affaire a néanmoins déjà été établie, l’assujetti y met immédiatement un terme et en informe l’ANIF, à travers une déclaration de soupçon.
– Toutefois, au cas où les assujettis suspectent qu’une opération se rapporte au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme, ou à la prolifération, et que des diligences supplémentaires pourraient alerter le client, ils peuvent opter directement pour une déclaration de soupçon.
2. Obligation de tenue actualisée et de conservation d’un registre de bénéficiaire effectif
Les entités ou personnes morales soumises aux réglementations liées aux bénéficiaires effectifs doivent tenir un registre interne de leurs bénéficiaires effectifs. Ce registre doit identifier les bénéficiaires effectifs de l’entité sur la base des informations exactes et actualisées. Il est tenu sous forme physique et électronique suivant un modèle partagé par l’administration fiscale. Les agents des Impôts peuvent effectuer à tout moment un contrôle de la bonne tenue du registre interne des bénéficiaires effectifs par les personnes morales. (Article 11 de l’Arrêté N°761/1/MINFI/DGI du 04 décembre 2023).
● L’obligation de désigner un responsable de la tenue du registre interne des bénéficiaires effectifs
Conformément à l’article 4 de l’Arrêté N°761/1/MINFI/DGI du 04 décembre 2023, les personnes morales doivent désigner un responsable en charge de l’identification des bénéficiaires effectifs d’une personne morale ou à défaut solliciter un prestataire de services. Le responsable désigné est chargé de déterminer et identifier les bénéficiaires effectifs et de renseigner le registre interne du bénéficiaire effectif.
● L’obligation de tenue conforme du registre interne des bénéficiaires effectifs
Le registre interne des bénéficiaires effectifs contient les informations suivantes, qui se doivent d’être exactes et actualisées :
– Les éléments d’identification : noms, prénoms, date et lieu de naissance, numéro de la pièce d’identité, NIU (y compris lorsque le bénéficiaire n’est pas résident), nationalité, adresse résidentielle, postale, professionnelle et électronique, numéro de téléphone ;
– La nature et l’étendue du contrôle ou de la participation : l’identification de l’ensemble des personnes morales dans la chaîne de propriété ;
– La procédure suivie ou les mesures prises pour l’identification du bénéficiaire effectif ;
– La date à laquelle la personne physique est devenue ou a cessé d’être le bénéficiaire effectif et la date à laquelle elle a réduit ou augmenté sa participation dans l’entité.
Lorsqu’un changement intervient dans ces informations, l’entité a l’obligation de mettre à jour son registre dans un délai de 30 jours suivants le changement ou la date à laquelle elle a eu connaissance du changement. Le représentant légal de l’entité est personnellement responsable de la bonne tenue du registre.
● L’obligation de conservation des pièces justificatives
Les pièces justificatives à conserver sont listées à l’article 21 du Décret N°2023/06801/CAB/PM du 27-09-2023.
Sur la durée de conservation :
Entreprises LBC/FT | Autres personnes morales | |
Registre interne des bénéficiaires effectifs | Toute la vie de l’entreprise | Toute la vie de l’entreprise
|
Pièces justificatives | 10 ans à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation des relations avec leurs clients habituels ou occasionnels | Minimum 5 ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle une personne a cessé d’être bénéficiaire effectif.
|
Tous documents obtenus et constitutifs à l’ouverture du compte et dans le cadre des mesures de vigilance relatives à la clientèle, les livres de comptes, la correspondance commerciale, les résultats de toute analyse réalisée, | ||
Conservation registre interne des bénéficiaires effectifs et des pièces justificatives en cas de cessation d’activités | Minimum 5 ans après la dissolution de la société.
|
3. Obligation déclarative à l’administration fiscale
● Toute nouvelle entité doit déclarer à l’administration fiscale les renseignements relatifs à ses bénéficiaires effectifs dans un délai de trente (30) jours à compter de son immatriculation ;
● Les entités existantes doivent déclarer à l’administration fiscale les renseignements relatifs à leurs bénéficiaires effectifs au moment du dépôt de leur Déclaration Statistique et Fiscale fixé au plus tard le 15 mars (pour les entreprises relevant de la DGE), le 15 avril (celles relevant des CIME et des CSI) et le 15 mai (pour celles relevant des CDI) ;
● Une déclaration complémentaire doit être déposée dans les 45 jours à partir de la survenance de l’événement qui rend nécessaire la rectification ou le complément des informations mentionnées dans la déclaration initiale, notamment :
– Une modification de la situation personnelle d’un bénéficiaire effectif ;
– Modification dans le pourcentage et/ou la nature de détention ;
– Une personne devenant bénéficiaire effectif ou perdant cette qualité.
La déclaration est faite en ligne à travers le portail informatique de la DGI. Elle est accompagnée des documents annexes obligatoires.
Sur le contenu de la déclaration :
Concernant l’entité déclarante | Concernant le bénéficiaire effectif |
· Dénomination ou raison sociale, Forme juridique, · NUI, RCCM, · Adresse du siège social, · Nature des activités, · Identité et qualité des dirigeants sociaux, ● Identités des actionnaires ou associés, ● Critères d’identification du bénéficiaire effectif, ● Pourcentage de parts sociales, actions et/ou droits de vote du bénéficiaire effectif, etc. ● N° de comptes bancaires détenus au Cameroun et à l’étranger, ● États financiers, Rapports des CAC |
● Nom, prénom(s), ● Date et lieu de naissance, ● pays de résidence, nationalité, ● Adresse au Cameroun ou à l’étranger, postale ou électronique, ● Profession, N° de téléphone, ● NIU (camerounais ou étranger), ● N° CNI ou N° passeport pour les étrangers, date, lieu de délivrance et date de validité, ● Modalité de contrôle exercé (par détention, par d’autres modalités, par fonction de dirigeant, etc.), ● Date à laquelle il est devenu bénéficiaire effectif. |
VI. SANCTIONS
i. Les entités et bénéficiaires effectifs qui ne se conforment pas à leurs obligations d’identification, de conservation, de mise à jour et de déclaration sont passibles d’une amende forfaitaire pouvant aller jusqu’à 5 millions FCFA (Article L104 du Livre de procédures fiscales).
NB : Sanction applicable pour défaut de régularisation, suite à la notification d’une mise en demeure de régulariser dans un délai de 15 jours.
ii. Le dépôt tardif de la déclaration du bénéficiaire effectif et l’absence ou le défaut de mise à jour par les personnes morales du registre interne des bénéficiaires effectifs sont passible d’une amende d’un (1) million FCFA (Article L99 du Livre de procédures fiscales).
NB : Amende appliquée sans mise en demeure
iii. Procédure disciplinaire sans préjudice des sanctions en vigueur à l’encontre des entités assujetties à la COBAC.
iv. Impact sur la réputation et l’image des entités assujetties.
VII. CAS PRATIQUES
Les intervenants ont présenté des cas pratiques sur la distinction entre le propriétaire légal et le bénéficiaire effectif, sur le contrôle à travers la détention de 20% ou plus du capital, sur le contrôle les droits de vote, sur la distinction entre détention directe et détention indirect du capital, sur le mode de calcul de la détention du capital, sur le mode de détention dans un schéma plus complexe et sur la détention à la fois des droits de vote et des actions et parts sociales.
VIII. CONCLUSION
Pour conclure, nous tenons à souligner que l’identification des bénéficiaires effectifs dans les transactions financières constitue une obligation primordiale pour les personnes morales et les assujettis en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il est donc crucial que toutes les parties prenantes s’approprient ce concept, qui reste relativement nouveau, parfois complexe et peu accessible dans notre cadre juridique et réglementaire, afin de satisfaire aux exigences qui y sont liées et ainsi réduire les risques associés.
Il convient également de préciser que la mise en œuvre effective de ces obligations liées aux bénéficiaires effectifs requiert une approche proactive et une collaboration étroite entre toutes les parties prenantes.
Rédigé par : Ghislain MOTSEBO
Revue par : Mme Stella NSATA, SGA auprès de l’ACJE