LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR DE PRODUITS ET SERVICES BANCAIRES
Par Marcel MEBERE et Rodrigue NEMBOT FAHA – Mercredi, le 22 Novembre 2023, au Siège du GECAM

Contexte
– Mettre en place un dispositif qui renforce la confiance des consommateurs dans le secteur bancaire et permet d’augmenter le taux de bancarisation en zone CEMAC et stabiliser davantage le système bancaire et financier de la CEMAC.
– Protéger les déposants et garantir l’intégrité du système bancaire et financier de la CEMAC ;
– Prévenir et réprimer les pratiques commerciales déloyales des établissements assujettis et de garantir que ces établissements exercent leurs activités de manière équitable et responsable, que leurs opérations soient claires et transparentes, que leurs produits et services ne soient pas vendues dans des conditions non connues des consommateurs, et que ces derniers soient en mesure de faire respecter leurs droits.

Justification
Principe de protection : le consommateur a droit à la protection de la vie, de la santé, de la sécurité et de ses biens dans ses rapports avec les professionnels offrant des services bancaires et financiers ;
Principe de satisfaction : le consommateur a droit à la satisfaction de ses besoins élémentaires dans le domaine de la banque ou des services financiers ;
Principe d’équité : le consommateur a droit à la réparation complète des torts pour les dommages subis du fait des prestataires et prestations bancaires ou financiers.
Principe de participation : le consommateur a le droit et la liberté de former des associations ou des organisations de consommateurs bénévoles, autonome et indépendantes afin de réaliser ou participer à la promotion et à la défense de ses droits légalement reconnus.

I – Fixation des notions et les textes

A – Les notions
Consommateur : toute personne physique qui, dans les contrats relevant des produits ou services bancaires, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité artisanale, agricole, industrielle, commerciale ou libérale. (Cf: Règlement)
De façon plus imagée, le consommateur tend à satisfaire un besoin personnel ou relatif à une personne dont il a la charge (Cf: loi cadre ci-dessus citée).
Etablissement assujetti : Désigne tout établissement de crédit, de microfinance ou tout établissement de payement.
Produits et services bancaires : Ensemble des produits ou services proposés par l’établissement assujetti dans le cadre des opérations autorisées aux établissements de crédit, aux EMF et aux établissements de payement.

Les Textes :
– Loi cadre N° 2011/012 du 06 Mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun ;
– Règlement N° 01/20/CEMAC/UMAC/COBAC relatif à la protection des consommateurs des produits et services bancaires dans la CEMAC ;
– Règlement COBAC R- 2020/04 relatif au service bancaire minimum garanti ;
– Règlement COBAC R- 2020/05 relatif aux obligations spécifiques des Etablissements assujettis pour la protection des consommateurs dans le cadre de la fourniture des services de paiement ;
– Règlement COBAC R- 2020/06 relatif au traitement des réclamations des consommateurs des produits et services bancaires dans la CEMAC.

II. LES GRANDS AXES DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR DES PRODUITS ET SERVICES BANCAIRES EN ZONE CEMAC
Une analyse du Règlement n° 01/20/CEMAC-UMAC/CM portant protection du consommateur de produits et services bancaires permet de dégager au moins 4 axes de protection. Il s’agit en effet d’obligations mises à la charge des professionnels que sont les établissements assujettis qui ont la responsabilité d’encadrer, d’éduquer et d’orienter leurs clients afin que les produits et services qu’ils entendent acquérir concourent à leur épanouissement.

A. Les obligations d’information
i.  Lors de l’ouverture des comptes bancaires ou des comptes de payement
– L’ouverture d’un compte bancaire ou de payement doit être précédée par une convention écrite dans l’une des langues officielles qui sied au consommateur. Ladite convention doit contenir A PEINE DE NULLITE, des mentions contenues à l’article 10 du Règlement ;
– Les conventions ne doivent pas faire de renvoi à d’autres contrats, règles pratiques ou même principes qui n’ont pas été expressément communiquées au consommateur ;
– Toute modification de la convention doit être proposée au consommateur dans les mêmes exigences de forme que le contrat lui-même au moins un mois avant la date d’application de la modification souhaitée. (les clauses de modifications unilatérales sont donc désormais réputées non écrites).

ii.  Lors de la conclusion d’opérations commerciales (vente de produits)
Le consommateur doit être informé par écrit en caractère bien lisible et dans l’une des langues officielles de son choix :
– De ses droits et obligations vis-à-vis de l’établissement ;
– Des Avantages et surtout des risques liés à chaque produit et/ou service qui lui sont proposés ;
Cette information peut également à sa demande lui être donnée verbalement de façon claire et accessible, de sorte à le rendre capable de comprendre et cerner entièrement l’impact des produits ou services qui lui sont proposés dans sa vie et surtout sur ses biens et sa capacité financière
– Lors de la conclusion d’opérations commerciales (vente de produits)
Après chaque opération effectuée le consommateur doit avoir immédiatement sur support écrit et sans frais, les informations suivantes :
– Le nom de l’établissement ;
– Le numéro de référence de l’intermédiaire, du distributeur ou du sous- distributeur, le cas échéant ;
– La nature de l’opération et du produit ou service bancaire y afférent ;
– Le montant et les frais de l’opération ;
– La date, l’heure et le numéro de référence de l’opération.
– Dans toute communication qui lui est destinée :
– Le consommateur a droit à une information parfaite c’est à dire exacte et complète et non équivoque (cf : Art 8). ce qui exclut toute publicité mensongère, équivoque et incomplète.
– Interdiction de toute publicité par voie électronique sans le consentement préalable du consommateur ;
– Interdiction de toute publicité trompeuse, ou même suggestive susceptible de créer une équivoque et/ou d’induire le consommateur en erreur

iii.  Lors de la clôture de son compte :
– l’établissement assujetti doit mettre à la disposition du consommateur qui en fait la demande, gratuitement et sans condition, dans les dix jours ouvrés qui suivent la demande de clôture du compte, un récapitulatif des opérations sur ce compte au cours des douze derniers mois.
– Le solde créditeur du compte doit être restitué au consommateur dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande de clôture de compte, lorsque c’est le consommateur qui en fait la demande, ou de la notification par l’établissement assujetti au consommateur de la clôture de compte, lorsque la clôture est à l’initiative de l’établissement.

NB 1: Les obligations d’information et de communication ci-dessus déclamées sont exclusivement à la charge des établissements assujettis. Il leur revient la responsabilité de prouver qu’ils les ont mis en œuvre. (Le principe ACTORI INCUMBIT PROBATIO est donc inopérant en l’espèce).
NB 2: Dans le cadre des relations entre les établissements assujettis et les consommateurs, l’écrit sous forme électronique, notamment les documents et transmissions électroniques, peut se substituer à l’écrit sur support papier et est reconnu comme équivalent, notamment en ce qui concerne sa validité juridique et sa force probatoire, lorsque :

– L’établissement assujetti et le consommateur l’ont expressément convenu.
– Cet écrit électronique est établi et maintenu selon un procédé technique fiable qui garantit à tout moment l’origine de l’écrit sous forme électronique et son intégrité au cours des traitements et des transmissions électroniques.

B. Les obligations de conseil
L’intermédiaire agréé doit connaitre la situation du consommateur et veiller à ne lui fournir que des produits et services qui sont adaptés à ses besoins (Art 16).
Il découle de cette obligation que le client (consommateur) peut ester en nullité des conventions passées avec son banquier s’il établit que les services vendus n’étaient pas adaptés soit à sa situation financière, soit à son besoin réel (Cf: Art 17). En vue de prévenir l’endettement excessif du consommateur, l’établissement assujetti doit utiliser tout moyen permettant la détection précoce des difficultés financières du consommateur… ».
Même dans le recouvrement des créances le consommateur est protégé en ceci que les moyens utilisés par les établissements assujettis pour y parvenir doivent lui assurer pendant toute la procédure le respect de sa dignité. A cet effet le régulateur demande à l’établissement assujetti de veiller à ce que les moyens qu’il met en œuvre ne doivent pas : abuser de la crédulité ou de la faiblesse du consommateur ; être insultants ou culturellement offensants pour le consommateur et viser à calomnier le consommateur. (Art 18)

C. L’obligation d’assurer de l’équilibre contractuel
Compte tenu de ce que les établissements assujettis sont généralement dans une position dominante dans leur relation avec le consommateur, la conclusion d’un contrat dans cette configuration peut s’apparenter à une opération d’imposition de la volonté du plus fort au plus faible. C’est pour cela que le régulateur a cru devoir fixer des règles tendant à restituer l’équilibre entre ces deux parties. Il s’agit notamment :
– l’absence de présomption. (le consentement du consommateur ne doit pas être présumé. Il doit être recueilli de façon expresse sauf lorsque la loi en dispose autrement).
– L’obligation d’accorder au consommateur un délai de réflexion d’au moins 3 jours avant la conclusion de tout contrat.
– L’obligation d’accorder au consommateur un délai de rétractation d’au moins 14 jours à compter de la signature d’un contrat.
NB 1: le délai de réflexion est un délai de trois jours donné au client avant la conclusion d’une opération commerciale pour réfléchir sur les conditions de l’offre qui lui est faite. Il doit à cet effet avoir avec lui la totalité des informations lui permettant d’avoir une réflexion libre et éclairée. Le client qui choisit librement d’exercer son délai de réflexion ne peut revenir accepter l’offre avant l’échéance d’un délai de 3 jours. Cependant, il peut également renoncer à son délai de réflexion. Dans ce dernier cas le contrat peut être conclu immédiatement.
NB2 : Le délai de rétractation quant à lui commence à courir à partir de la signature du contrat par les parties. Il est de 14 jours. Lorsque le client décide de se rétracter dans ce délai, l’opération est annulée sans frais pour lui. Il n’est tenu de payer que le prix correspondant à l’utilisation du produit de la date jusqu’à la date de sa rétractation. En tout état de cause, que ce soit la rétractation ou la réflexion, le consommateur doit en être convenablement informé par l’établissement assujetti.
–  Toute modification des conditions d’une convention en cours d’exécution, envisagée par un établissement assujetti, est proposée par l’établissement au consommateur, par écrit laissant trace de sa réception, dans une langue officielle de l’Etat, sous une forme claire et aisément compréhensible, au plus tard un mois avant la date prévue pour sa prise d’effet.
Le consommateur est réputé avoir accepté la modification s’il n’a pas notifié à l’établissement assujetti son refus avant la date d’entrée en vigueur proposée de cette modification. (C’est l’exception au principe de l’absence de présomption de la volonté du consommateur énoncée ci-dessus)
Le consommateur qui n’approuve pas la modification a le droit de résilier le contrat sans frais et avec effet à tout moment jusqu’à la date à laquelle la modification aurait été appliquée.
–  Le consommateur ne devrait pas être pénalisé pour le remboursement anticipé d’un crédit.
Cette disposition ne signifie pas que le remboursement anticipé doit être gratuit. Il faut clairement entendre par là que le remboursement anticipé d’un crédit ne doit pas avoir pour effet de faire payer au client plus que ce qu’il aurait payé s’il avait remboursé normalement son crédit. En tout état de cause, les conditions applicables au remboursement anticipé doivent être clairement stipulées au contrat au moment de sa conclusion.
– Les ventes conditionnées sont interdites (ventes dans lesquelles le vendeur conditionne la vente d’un produit à l’achat d’un autre).
Il est à noter que la pratique des packagings n’est pas perçue comme vente conditionnée. A condition que la convention liste clairement tous les produits qui constituent le package et donne la possibilité au consommateur de les prendre également individuellement
Les clauses ci-après sont réputées abusives lorsqu’elles figurent au contrat entre établissements assujettis et consommateurs :
– Clauses qui exonèrent, excluent, réduisent ou limitent la responsabilité de l’établissement assujetti pour les défauts, déficiences ou inadéquations de toutes sortes dans la technologie, le bien ou le service fourni ;
– Clauses impliquant la perte des droits et libertés garantis par les lois en vigueur au consommateur, ou en limitant l’exercice ;
– Clauses de modification unilatérale des caractéristiques du produit ou du service à fournir ;
– Clauses qui créent des termes ou conditions contractuelles injustes, déraisonnables, inéquitables, répressifs ou qui retournent à la responsabilité du consommateur les défauts, les déficiences et inadéquations immédiatement apparentes.
De telles clauses lorsqu’elles sont insérées au contrat ne l’invalident pas. Elles sont simplement réputées non écrites, et le contrat reste applicable sur ses autres dispositions.

D. Les obligations de sécurité, confidentialité et protection des données

Confidentialité. L’établissement assujetti a l’obligation de garder confidentielle toutes les informations auxquelles il aurait eu accès à l’occasion de sa relation avec le client. Cette obligation découle non seulement du Règlement, mais aussi de la loi Camerounaise sur le secret bancaire. La violation de l’obligation de confidentialité expose à la fois l’établissement assujetti, ses dirigeants ainsi que le préposé ayant posé l’acte de violation du secret bancaire à des sanctions pénales.
Protection des données personnelles du consommateur. L’établissement assujetti doit : assurer l’intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel et les informations financières des consommateurs et plus généralement de toute information couverte par le secret professionnel ; communiquer au consommateur les finalités du traitement et l’identité des destinataires possibles de ses données à caractère personnel et informer le consommateur de son droit à rectification et à l’effacement de ses données personnelles.
Sécurité. L’établissement assujetti doit assurer la sécurité des instruments et moyens de paiement mis à la disposition des consommateurs ou dont ils assurent ne serait-ce que la gestion pour les consommateurs. En effet, en cas d’opération de paiement frauduleuse ou non autorisée, quels que soient le lieu où la plateforme à partir de laquelle elle a été ordonnée ou réalisée, l’établissement du payeur rembourse au payeur, dans un délai d’un mois après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, le montant de cette opération de paiement non autorisée et, le cas échéant, rétablit dans le même délai le compte débité dans l’état ou il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.

III. TRAITEMENT DES RECLAMATIONS ET SANCTIONS

A. Traitement des réclamations
Le canal de réception et de traitement des réclamations des consommateurs doit être défini et communiqué. Il doit permettre de recevoir des réclamations sur tous les supports (courriers physique, numérique, téléphonique etc…). Le traitement des réclamations doit être gratuit, juste, impartial et rapide. Le consommateur a le droit de saisir le CNEF (Comité National Economique et Financier) pour demander sa médiation en cas de conflit sur un produit ou un service avec un établissement assujetti.
Le droit de se faire accompagner par des associations de consommateurs. Les associations habilitées à accompagner le consommateur sont celles qui sont : agrées par la COBAC à cet effet, agrées par les autorités nationales et ont pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs. Les associations de consommateur remplissant les conditions ci-dessus énumérées peuvent l’accompagner dès la phase de réclamation devant l’établissement assujetti jusqu’à la phase contentieuse devant les juridictions arbitrales ou juridictionnelles, en passant par la médiation devant le CNEF. Pour les juristes en quête de spécialisation voici un nouveau filon d’activité qu’il serait intéressant de développer.
B. Les sanctions
Les sanctions disciplinaires. Elles sont prises par les autorités de régulation et portent sur des mesures disciplinaires, mesures d’assainissement ou de restructuration.
Les sanctions pénales. Certains manquements aux règles de protection des consommateurs sont considérés comme des infractions pour lesquelles des sanctions pénales sont prévues à l’égard des dirigeants, des préposés ou des établissements assujettis. Ex. Fourniture d’informations erronées sur le prix, la qualité des technologies, les produits et services, l’abus de faiblesse ou d’ignorance lorsque le dirigeant en a usé par exemple pour faire souscrire des engagements dont le consommateur ne mesurait pas la portée (articles 49 et 50 Règlement).
Les sanctions pécuniaires. Elles consistent en des amendes fixées en fonction de la gravité des manquements et en tenant compte des avantages et inconvénients tirés des manquements. Elles peuvent être prononcées en plus des sanctions disciplinaires et des mesures d’assainissement ou de restructuration.

Rédigé par : Ghislain MOTSEBO
Revue par : Mme Stella NSATA, SGA auprès de l’ACJE

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