LE CONTRÔLE FISCAL : CE QU’IL FAUT RETENIR
Par Edmond AKOA MBALLA – Mercredi, le 03 mars 2021

Le Cameroun s’est engagé dans un vaste programme de réformes économiques (développement des infrastructures) et financières dont l’un des piliers est la mobilisation des recettes. Cette mobilisation des recettes dans un contexte de crises (ralentissement de la croissante crises sécuritaires et crise sanitaire depuis 2020) a entrainé une pression fiscale importante sur les contribuables qui se manifeste par l’élargissement de l’assiette fiscale mais aussi de la sécurisation des recettes. C’est ainsi dans cet élan de sécurisation de recettes fiscales que les contrôles sont menés auprès des contribuables. Il s’agit là uniquement de la dimension répressive du contrôle lequel possède également un volet pédagogique qui n’est pas toujours le mieux appliqué par l’Administration fiscale.

L’objectif de cet atelier est d’outiller au maximum les participants à la clinique juridique lors de la conduite d’un contrôle fiscal.

I – PHASE PRECONTENTIEUSE PRÉALABLES À L’ÉMISSION D’UN AVIS DE MISE EN RECOUVREMENT

 A – ORIGINE DU CONTROLE FISCAL

Le contrôle fiscal vient en amont du contentieux. Ce dernier peut être motivé pour les raisons suivantes à l’initiative du contribuable ou de l’administration suivants les cas notamment : la demande de validation du crédit de TVA ; une demande expresse du contribuable ; le dépôt d’une lettre de cessation d’activités ; l’absence de déclaration ; les incohérences relevées dans la DSF ; la baisse inexpliquée du chiffre d’affaires ; le volume ou le montant des transactions intra-groupes ; l’exploitation de documents reçus dans le cadre de l’exercice du droit de communication et les opérations de restructuration.

B – TYPOLOGIE DES CONTROLES FISCAUX ET CHAMP DE COMPETENCE

On dénombre quatre (4) types de contrôles fiscaux au Cameroun : la vérification Générale de Comptabilité (VGC), la vérification de la Situation Fiscale d’Ensemble (VSFE), le contrôle Ponctuel et le contrôle Sur Pièces (CSP).

  • La vérification Générale de Comptabilité (VGC) est prévue aux articles L11 et suivants du CGI). Il s’agit d’un contrôle effectué sur place par l’administration fiscale dans les locaux du contribuable ou de son conseil. Elle consiste en une vérification de l’ensemble des impôts, et taxes dus dont le contribuable serait redevable pour une période non-prescrite (la prescription est quadriennale à l’exception des reports déficitaires et crédit de TVA), notamment par la confrontation des éléments de comptabilité avec ceux détenus par l’administration fiscale. La période non prescrite en question couvre les quatre derniers exercices non soumis à contrôle.
  • La vérification de la Situation Fiscale d’Ensemble (VSFE) (Article L12 du CGI) est un contrôle opéré par l’administration fiscale sur les revenus des contribuables relevant de l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP). Il s’agit d’un contrôle de cohérence entre les revenus déclarés par le contribuable et la situation de sa trésorerie, de son patrimoine et de son train de vie (Article 66 du CGI).
  • Le Contrôle Ponctuel (L16 bis du CGI) est un contrôle des impôts à versement spontané (TVA, TSR, impôts sur salaires, acomptes de retenues…) sur une période inférieure à un exercice fiscal.
  • Le Contrôle Sur Pièces (CSP) (Article L21 du CGI) Le CSP est un contrôle de cohérence du dossier fiscal du contribuable. Il s’effectue sans avis préalable, depuis les locaux de l’administration et s’appuie exclusivement sur le contrôle des déclarations souscrites.

C – RECAPITULATIF DE LA PROCEDURE PRECONTENTIEUSE

Type de contrôle

Délai et déroulé de la procédure

Charge de la preuve

Clôture de la phase précontentieuse

 

Vérification Générale de Comptabilité (VGC)

 

1. L’avis de vérification est envoyé au moins quinze (15) jours avant le jour de passage effectif (Article L 13 alinéa 1 du CGI) accompagné de la charte du contribuable.

 

 

2. Le contribuable peut faire une demande de report dans les quinze (15) jours à compter de la réception de l’avis de vérification (Article L14 du CGI).

 

 

3. La VGC s’effectue dans un délai de trois (03) mois à compter de la date de début de travaux contenue dans l’avis de vérification dans les locaux du contribuable, sauf circonstances exceptionnelles dûment motivées (Article L40 (1) du CGI).

 

Dans tous les procès-verbaux, l’administration doit prendre en compte l’ensemble des justificatifs produits par le contribuable.

 

 

La constatation de la carence de production de pièces justificatives sur Procès-verbal lors de l’intervention en entreprise emporte l’irrecevabilité absolue desdites pièces pendant la phase contentieuse (Article L22 bis du CGI).

 

La charge de la preuve incombe à l’administration.

 

La procédure est contradictoire (Article L 23 du CGI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. A l’issue du contrôle, l’Administration adresse au contribuable, une notification de redressement motivée et chiffrée, ou un avis d’absence de redressement dans un délai de soixante (60) jours (Article L24 du CGI).

 

 

2. En cas de redressements maintenus l’administration adresse une notification définitive (Réponse aux observations) + AMR dans un délai de soixante (60) jours (Article L26 alinéa 3du CGI) à compter de la réception des observations du contribuable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vérification de la Situation Fiscale d’Ensemble (VSFE) 1. Cette vérification s’effectue depuis les bureaux de l’administration fiscale ou dans les locaux professionnels du contribuable.

 

2. L’avis de vérification est envoyé au moins quinze (15) jours avant le jour de passage effectif (Article L 13 alinéa 1 du CGI) accompagné de la charte du contribuable et d’une demande de relevés des comptes (Article L 13 (2) alinéa 2 du CGI).

 

3. Le contribuable peut faire une demande de report dans les quinze (15) jours à compter de la réception de l’avis de vérification.

 

4. La VSFE doit s’effectuer dans un délai d’un (1) an à compter de la remise de l’avis de vérification et la remise de la notification de redressement, sauf circonstances exceptionnelles dûment motivées (Article L40 (2) du CGI).

Contrôle ponctuel L’administration notifie un avis de passage huit (8) jours avant la première intervention (Article L 16 bis du CGI)
Contrôle sur pièces (CSP) Les contrôles sur pièce s’effectuent sans avis préalable dans les locaux de l’administration.

 

II- MANAGEMENT DU RISQUE FISCAL LIE AU CONTRÔLE

Identification des risques et actualité des principaux chefs de redressement

L’identification du risque est un processus de recherche, de reconnaissance et de description des risques. Une fois identifié, le risque devrait être limité ou maitrisé. Quelques bonnes pratiques en matière d’identification du risque :

  • Parfaite maitrise de son activité ;
  • Une veille juridique et règlementaire ;
  • Mécanisme d’audit juridique et fiscal notamment la mise en place d’une revue fiscale semestrielle ou annuelle avant dépôt de la DSF ;
  • Une DSF bien renseignée. Il faudrait faire un contrôle de cohérence entre les tableaux fiscaux et la balance ;
  • Recours à un conseil, fiscaliste de préférence !

 

LIBELLE  

PRINCIPAUX CHEFS DE REDRESSEMENTS

 

IMPOT SUR LES SOCIETES (IS) (Article 7 et suivants) 1. Limitation de la déductibilité de l’assistance technique ;

2. Limitation de la déductibilité de l’assistance technique payée en France ;

3. IRCM comme sanction à la quote-part non déductible des revenus ;

4. Limitation de la déductibilité des charges provisionnées ;

5. Déductibilité des billets d’avion pour congés des expatriés ;

6. Intérêts excédentaires sur compte courant associés et sur emprunts bancaires ;

7. Dispositif de sous-capitalisation ;

8. Les amortissements (ARD, respect des taux d’amortissement fiscaux) ;

9. Minoration du CA/Produits (réconciliation stock, compte client, etc…) Production vendue=Production de l’exercice+ produits finis n-1 – produits finis de l’exercice N

10. Déductibilité des charges payées en espèces de plus de 500 000 FCFA ;

11. Exonération des charges fiscales et patronales des jeunes salariés de moins de 35 ans;

12. La détermination de la marge ;

13. L’évaluation des stocks ;

14. La minoration des bases (recoupement compte client et compte vente) ;

15. Justificatifs des prix de transfert.

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE (TVA) (Article 125 et suivants) 1. Auto-liquidation de la TVA ;

2. Déductibilité de la TVA en cas de compensation de créances ;

3. Déductibilité de la TVA en cas d’abandon de créances ;

4. Déductibilité de la TVA sur les charges payées en espèces;

5. Traitement fiscal de la TVA sur marchés publics ;

6. TVA sur prestation de services immatériels.

IMPOTS DES TIERS

(Articles21, 89, 92 bis et 225 et suivants)

1. Taxe Spéciale sur le Revenu ;

2. TSR sur les débours ;

3. TSR prise en charge par le client ;

4. Reconstitution de la base de retenue 5.5%

5. Précompte sur loyers

6. Précomptes sur achats

DROITS D’ENREGISTREMENT (Article 543 et suivants) 1. Enregistrement des baux

2. Droits de mutation sur les immeubles

 

III – LA PHASE CONTENTIEUSE 

AMR ELEMENT DECLENCHEUR DE LA PROCEDURE

 

PHASE CONTENTIEUSE

 

PHASE ADMINISTRATIVE

PHASE JURIDICTIONNELLE

Emission d’un AMR Réclamation contentieuse (Recours hiérarchique)

 

Recours gracieux préalable (Recours de second niveau)

Tribunal Administratif (En premier ressort)

 

Pourvoi en cassation devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême (Recours en second ressort)

 

La phase contentieuse est une phase contradictoire à l’instar de la phase précontentieuse.

TYPOLOGIE DE CONTROLE PHASE CONTENTIEUSE ADMINISTRATIVE

 

PHASE CONTENTIEUSE  JURIDICTIONNELLE
Recours Hiérarchique Recours gracieux préalable
 

Vérification Générale de Comptabilité (VGC)

 

1. Le contribuable adresse une réclamation contentieuse suivant les montants contestés auprès du Chef du Centre Régional (Contestation de contribuables relevant du CDI, CSPLI ou CIME inférieur ou égal à 50 millions), du DGE (Contestation de contribuables relevant de la DGE inférieur ou égal à 100 millions), ou du DGI (Contestation de contribuables relevant de la DGE supérieur à 100 millions ou tout autre centre supérieur à 50 millions) dans un délai de trente (30) jours suivants la notification définitive (Article L116 du CGI).

 

2. La réclamation est accompagnée sous peine d’irrecevabilité :

 

·        Etre signée du réclamant ou de son mandataire ;

·        Etre timbrée ;

·        Mentionner la nature de l’impôt, l’exercice d’émission, le numéro de l’article de l’Avis de Mise en Recouvrement et le lieu d’imposition ; contenir l’exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ;

·        être appuyée de justificatifs de paiement de la partie non contestée de l’impôt

 

1. Une demande de sursis de paiement de la partie contestée des impôts peut être introduite au même moment que la réclamation. La demande est adressée en même temps au centre compétent pour la réclamation.

 

2. Toutefois, l’AMR indique un délai de trente (30) jours pour s’acquitter de la dette dans le cadre d’un contrôle (Article L 53 du CGI).

 

3. L’autorité saisie dispose d’un délai de trente (30) jours pour répondre au contribuable (Article L 116 alinéa 4 du CGI).

1. En l’absence de réponse dans un délai de trente (30) jours ou en cas de réponse non-satisfaisante de l’administration, le contribuable peut saisir le MINFI dans un délai de trente (30) jours et justifier du paiement de la partie non contestée de l’impôt et de 15% supplémentaires de la partie contestée (Article L 121et suivants du CGI) ;

 

2. En sus du paiement de 15% de la partie contestée, le contribuable devra :

• fournir des références de la réclamation contentieuse ;

• fournir les références du paiement de la partie non contestée ; • ne pas avoir d’arriérés fiscaux autres que ceux contestés ; • ne pas faire l’objet de poursuites pénales pour fraude fiscale.

 

Le Ministre dispose d’un délai de deux (2) mois à compter de la réception de la réclamation pour apporter sa réponse.

1. Le recours juridictionnel est introduit par le contribuable dans un délai de soixante (60) jours à compter du rejet du recours gracieux (Article L 126 du CGI). Le silence valant rejet.

 

2. Le sursis de paiement autorisé en phase administrative peut être renouvelé à condition que le contribuable s’acquitte des 35% du montant des

impositions contestées (Article L 121 du CGI) ;

 

3. A compter de l’introduction du recours, le MINFI dispose de trois (03) mois pour produire ses conclusions, le cas échéant, il est réputé avoir

acquiescé aux faits exposés par le contribuable (Article L 133 du CGI); Le contribuable dispose d’un délai d’un (1) mois pour présenter ses observations suite aux conclusions du MINFI ;

 

4. Toutefois, l’article 40 de la loi de 2006 susvisée prévoit un délai de quinze (15) jours pour répondre aux différents mémoires en défense (MINFI) ou en

réplique (contribuable) ;

 

5. La décision du tribunal est rendue en dernier ressort (Article 2 de la Loi de 2006). La décision défavorable ne peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation que devant la chambre administrative de la Cour Suprême (Article 116 de la Loi de 2006) sous réserve de la consignation de 50% de la partie restante.

 

Contrôle ponctuel

 

 

Contrôle sur pièces (CSP)

 

 IV- MODE ALTERNATIF DE RESOLUTION DES CONTENTIEUX FISCAUX

Consécration de la transaction et de la médiation comme techniques d’évitement du contentieux fiscal.

LIBELLE  

INITIATEUR

 

CHAMP CONSEQUENCES
TRANSACTION (Art L125) MINFI sur proposition du DGI sur la base de la requête formulée par un contribuable 1. avant la mise en

Recouvrement suivant une

procédure de

contrôle ;

2. durant toute la

procédure

contentieuse.

1. à ne pas introduire une réclamation ultérieure ;

2. à se désister des réclamations ou des requêtes

par lui introduites ;

3. à acquitter immédiatement les droits et

pénalités restant à sa charge

MEDIATION (Art L140 Bis) 1. Contribuable

 

2. Administration

 

3. Juridiction

Administrative

La phase contentieuse devant les juridictions uniquement

Réalisé par : Ghislain MOTSEBO, Juriste Assistant auprès de l’ACJE
Revue par : Mme Stella NSATA BANZEU, Juriste Senior et Secrétaire Générale Adjointe auprès de l’ACJE

Photos de famille