Toute personne (physique ou morale) naît, vit et meurt. Les sociétés commerciales n’échappent pas à cette réalité. Comme pour une personne physique, la fin de l’existence d’une personne morale est constatée par un acte juridique (dissolution) qui mentionne les causes (volontaires ou non) de sa « mort ». S’ouvre par la suite le chapitre de la « succession », qui peut être « acceptée purement et simplement » par les personnes indéfiniment et solidairement responsables des engagements de la société; ou alors « acceptée sous bénéfice d’inventaire » si la valeur de l’actif réalisé est suffisant pour désintéresser tous les créanciers ou alors rejeté par le collège des associés/actionnaires en cas d’insuffisance d’actif. En tant que créanciers, nous sommes très souvent habités par l’incertitude de recouvrer notre créance en de telles circonstances. Mais pour mieux cerner les enjeux de cette réalité, permettez-moi de m’attarder préalablement sur les notions de liquidation et de recouvrement, considérés comme socles de la bonne compréhension du thème, objet de notre échange intellectuel du jour.
LE RECOUVREMENT DES CREANCES AUPRES D’UNE ENTREPRISE EN LIQUIDATION
Par Guy Landry MESSINA – Jeudi, le 27 juillet 2023
Par Guy Landry MESSINA – Jeudi, le 27 juillet 2023

I. DÉFINITION DES NOTIONS CLÉS
A. La notion de liquidation d’une société commerciale
Il s’agit d’un ensemble d’opérations préliminaires au partage d’une indivision, quelle qu’en soit l’origine (ouverture d’une succession, dissolution d’une société). Elle consiste à payer le passif sur les éléments d’actif, à convertir en argent liquide tout ou partie de ces éléments afin que le partage puisse être effectué sur l’actif net le cas échéant. (Cf. Lexique des termes juridiques, ed. DALLOZ, 2022, p…..). La liquidation peut être amiable ou judiciaire. Dans les deux cas, elle est toujours précédée d’une dissolution de la société commerciale.
1) Les modes de liquidation d’une société commerciale
i. La liquidation amiable : Elle est organisée par les statuts de la société commerciale et survient lorsque la décision de dissolution anticipée de l’entreprise est due à une décision des associés pour quelque motif que ce soit, excepté celui de la cessation des paiements (article 203 de l’Acte Uniforme révisé sur le droit des sociétés commerciales et GIE).
Quelques causes de liquidation amiable d’une société commerciale à la suite d’une dissolution anticipée décidée par les associés/actionnaires (article 200 AURDSCGIE) :
– L’arrivée du terme: Suivant l’AUDSCGIE la durée de vie d’une société commerciale ne peut excéder 99 ans;
– La réalisation de l’objet social: Lorsque l’objet social est atteint, l’on parle de réalisation
– L’extinction de l’objet social: s’il est impossible à réaliser, dans ce cas il y a extinction.
– L’annulation du contrat de société
– Toute autre raison prévue par les statuts de l’entreprise
ii. La liquidation judiciaire : C’est celle décidée par le juge dans les cas prévus à l’article 200 de l’AURDSCGIE en cas de dissolution anticipée et suivant la volonté des associés: dirigeants et dans le cadre de l’AUPCAP pour toute société commerciale en cessation de paiement et dont la situation est irrémédiablement compromise (article 2 alinéa 4 de l’AUPCAP).
2) Les effets de la liquidation d’une société commerciale
Nous les envisageons uniquement en cas de cessation de paiements :
– Constitution des créanciers en une masse représentée par le syndic; et dont la créance est antérieure à la décision d’ouverture, même si l’exigibilité de la créance était fixée à une date postérieure à cette décision (article 72 alinéa 3 de l’AUPCAP) ;
– Arrête le cours des inscriptions de toute sûreté mobilière et immobilière (article 73 de l’AUPCAP) ;
– Emporte au profit de la masse des créanciers une hypothèque à inscrire sans délai par le greffe sur les immeubles appartenant au débiteur (article 74 de l’AUPCAP) ;
– Interrompt ou interdit toute action judiciaire de la part de tous les créanciers composant la masse qui tend : à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, à la résolution d’un concordat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ;
– Arrête ou interdit toute procédure d’exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la décision d’ouverture (article 75 AUPCAP) ;
– Les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait produit sa créance;
– Suspend toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à compter dudit jugement (article 75-1 AUPCAP);
– Arrête, à l’égard de la masse seulement, le cours des intérêts légaux et conventionnels. Cette règle bénéficie aussi aux coobligés et toute personne ayant consenti une sureté ou une garantie (article 77 AUPCAP)
B. La notion de recouvrement des créances
Il s’agit d’un ensemble d’actions visant à rentrer en possession d’une somme d’argent exigible. Le recouvrement peut être amiable ou forcé.
1) Les types de recouvrement de créances
a) Le recouvrement amiable : Ensemble de techniques employées pour inciter le paiement volontaire de la somme d’argent due par le débiteur. Cela se traduit en pratique par des entretiens téléphoniques, des relances écrites, rappel d’engagements et mise en demeure. L’objectif recherché est de parvenir à un compromis bénéfique à la fois pour la Banque, mais aussi pour le client. La formalisation de cette entente peut être traduite par une restructuration des engagements du client soit un crédit rééchelonné, soit un crédit de consolidation, soit un protocole d’accord.
b) Le recouvrement forcé : Ensemble d’actions judiciaires employées par le créancier pour rentrer en possession de son dû. Elles sont régies par l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution (la loi de 2019 pénalisant le non-remboursement du crédit). Il peut se traduire par des procédures d’injonction de payer, des saisies sur autorisation de justice ou avec titres exécutoires, des inscriptions d’hypothèques forcées, des réalisations de garanties réelles ou personnelles.
2) Les limites aux actions de recouvrement
– La suspension de toute action en recouvrement amiable ou forcé contre la société commerciale débitrice en procédure collective (article 75 AUPCAP);
– Le recouvrement dans le cadre d’un concordat en cas de règlement préventif ou de redressement judiciaire;
– L’incertitude entachant le recouvrement de ses créances dans le cadre d’une liquidation d’une société commerciale.
Sur ce dernier point, le créancier se retrouve dans un position fragile et s’interroge:
→ Est-il toujours possible de se faire payer sa créance sur une société commerciale en liquidation? Si oui, par quel mécanisme?
→ Quel est le sort réservé aux créances impayées à l’issue de la procédure de liquidation?
Nous tenterons de répondre à ces questions en décrivant le mécanisme légal prévu par le législateur OHADA pour protéger le créancier contre l’incertitude de son recouvrement sur une entreprise en liquidation (I) et proposer une approche pour conjurer le sort des créances impayées à l’issue de la procédure de liquidation d’une société commerciale
II. LES TECHNIQUES DE RECOUVREMENT DE CREANCES AUPRES D’UNE SOCIETE EN LIQUIDATION
– Etre titulaire d’une créance exigible ou non ;
– Ne pas disposer d’une créance née pendant la période suspecte (article 67 AUPCAP), sous peine d’inopposabilité ;
– Déclarer sa créance dans les délais impartis par le législateur OHADA (A partir de la décision d’ouverture de la liquidation et jusqu’à l’expiration d’un délai de 60 jours suivant la deuxième insertion dans un journal d’annonces légales de l’Etat partie concerné) ;
– Suivre attentivement le processus de liquidation (réalisation de l’ensemble des actifs, rapports du syndic, regard des contrôleurs) ;
– Pratiquer des saisies-conservatoires à l’encontre des coobligés et autres garants pour sauvegarder votre créance et éviter que ceux-ci d’organisent leur insolvabilité.
III. LE SORT DES CREANCES IMPAYEES A L’ISSUE DE LA LIQUIDATION
En cas d’insuffisance d’actifs, le créancier ne recouvre pas l’exercice individuel de ses actions contre le débiteur, sauf si la créance résulte d’une condamnation pénale
– Obtenir des sanctions contre les dirigeants fautifs: faillite personnelle, condamnation pénale pour banqueroute et infractions assimilées (articles 174, 226 à 233 de l’AUPCAP);
– Recouvrer ses droits de poursuite individuels, en cas d’actifs non réalisés à la fin de la liquidation; (article 150 alinéa 3 AUPCAP)
– Faire supporter le passif net par les dirigeants sociaux au travers d’une action en comblement de passif.
– Perte de sa créance
CONCLUSION
Il est possible de recouvrer sa créance auprès d’une entreprise en liquidation. Toutefois, la nature des difficultés justifiant la liquidation peut limiter la couverture de toutes les créances dues par l’actif réalisé.
A la fin de la liquidation, tout n’est pas perdu. Même si le sort des créances impayées demeurent très incertaines, le créancier dispose d’un dispositif juridique pouvant lui permettre d’obtenir son paiement sur le patrimoine des dirigeants sociaux, ou à défaut, obtenir tout au moins leur condamnation à des sanctions pénales pour faute de gestion.
Somme toute, la meilleure façon de rentrer en possession de son dû sur une société commerciale en liquidation est de prévenir ce risque en entourant toujours sa créance née antérieurement à l’ouverture de cette procédure collective de garanties et suretés pour augmenter ses chances de recouvrement et mieux se positionner au moment de la distribution des deniers résultant de la réalisation des actifs.
Réalisé par : Ghislain MOTSEBO
Revue par : Mme Stella NSATA, SGA auprès de l’ACJE