A. Justice et institutions du sport
1. Organisations sportives et juridictions sportives internationales
Maître Gervais Armel MANG MAYI a captivé l’audience avec une analyse des structures et institutions sportives, détaillant leur fonctionnement et leur interaction avec les États.
Points abordés :
a. Nature juridique des fédérations sportives : les associations spécialisées dans le sport sont de nature hybride. Elles sont constituées comme de simples associations selon la loi de 1990 sur la liberté d’association, mais aussi, elles bénéficient pour exercer, de l’agrément délivré par le ministre des sports et des subventions. Leur indépendance est souvent mise à l’épreuve par les politiques publiques et les lois nationales. Les fédérations comme la CAF, FIFA, sont des associations de droit privé.
b. Le mode de désignation des dirigeants sportifs : Il est pyramidal. Au Cameroun et particulièrement au niveau départemental, les assemblées générales désignent six (06) représentants pour chaque département. Ces représentants vont au niveau régional et élisent à nouveau six (06) représentants par région. Et ces représentants régionaux élisent les dirigeants fédéraux.
c. Les juridictions sportives : Les conflits sont résolus par des mécanismes internes aux fédérations, mais aussi par des juridictions internationales comme le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Il en existe plusieurs organes juridictionnels internes aux fédérations sportives à savoir : le tribunal administratif, les juridictions de droit commun et les juridictions sportives.
Les chambres de conciliation et d’arbitrage du comité national olympique et sportif du Cameroun sont des cours suprêmes du sport dans les ordres étatiques dans lesquelles elles se trouvent. Ces chambres d’arbitrages, une fois qu’elles sont créées dans un Etat, jouent le rôle de cour suprême nationale du sport et elles tranchent tous les litiges d’ordres sportifs. Ces chambres tranches sur la base de la clause compromissoire qui est insérée au sein des statuts des fédérations sportives des différents sports concernés. Ainsi, chaque sport est régi sur un territoire donné par une fédération sportive
Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) quant à lui est la juridiction suprême qui effectue un contrôle de si les lois nationales ont été bien appliquées. C’est devant lui que sont fait appel les décisions rendues par les chambres d’arbitrage des comités nationaux olympiques. Pour rendre sa sentence arbitrale, le TAS utilise pour chaque cas, le droit applicable dans la fédération sportive qui a rendu la décision qui fait l’objet d’appel ; le TAS utilise également le droit de la fédération internationale du sport concerné et enfin le TAS utilise la loi suisse. Ce sont donc ces trois lois combinées qui permettent de rendre une sentence arbitrale face à un litige qui a fait l’objet d’appel, lequel litige aurait été solutionné par une chambre d’arbitrage d’un comité nationale olympique d’un pays donné.
Le Tribunal fédéral suisse est à son tour, la juridiction suprême de l’ordre étatique suisse, peut être saisi en annulation d’une décision rendue par le TAS uniquement pour des vices de forme. Il en est ainsi parce que le tribunal fédéral suisse ne tranche pas les affaires qui lui sont soumise au fond. Elle fonctionne justement comme la cour suprême d’un État à l’ordre interne qui malgré le pouvoir d’évocation, tranche pour l’essentiel sur des éléments de forme. Ainsi donc, le tribunal fédéral suisse peut par exemple être saisie : lorsque le TAS aurait statué sur la base d’une convention d’arbitrage manifestement nulle ; lorsque le TAS aurait rendu une décision non motivée, lorsqu’il y’a des faits de corruption avérés par les arbitres du TAS ou par l’arbitre unique du TAS qui a rendu la décision ; lorsque la décision rendue porte atteinte à l’ordre public suisse.
d. Les organes juridictionnels internes aux associations sportives nationales : Les États ont un rôle de contrôle via des ministères et des organismes publics. Cependant, il peut avoir des tensions lorsque les principes de non-ingérence sont violés. Dans chaque fédération sportive, on distingue :
- Deux (02) types d’organes de règlement de litiges en interne : les organes de règlement de litiges d’ordre disciplinaires (litiges nés de la violation des règlementations disciplinaires comme par exemple les fautes d’arbitrages – carton rouge, carton jaune etc.) et ceux pour des litiges non disciplinaires (litiges liés aux contrats de transfert de joueurs, aux problèmes de salaires des joueurs, aux contrats entre les joueurs et les agents, etc.). A noter qu’il peut avoir plusieurs autres organes de règlement de litiges.
- Deux (02) types d’organes juridictionnels : ceux qui connaissent les affaires disciplinaires et ceux qui connaissent les affaires non juridictionnelles.
Dans le cadre du règlement de litiges d’ordre sportif, il faut noter que, le juge administratif et le juge de droit commun sont compétents pour certains litiges d’ordre sportif. La compétence du juge administratif se fonde sur le fait que les fédérations sportives bénéficient de l’agrément ministériel pour exister. Cet agrément ministériel leur donne une connotation partiellement administrative. À partir de là, certains actes qu’elles posent, lesquels actes sont posés dans le cadre des missions qui leur sont assignés par le ministère. Donc si par exemple, la FECAFOOT décide par exemple de radier une personne ou de licencier un personnel, elle le fait parce que le ministère des sports lui a donné compétence pour organiser le sport. Elle pose donc là un acte administratif qui peut être attaqué devant le juge administratif. La juridiction de droit commun peut être également saisie pour des contentieux notamment les contentieux sociaux, donc relatif au droit du travail. Mais ce n’est pas souvent pour connaitre l’affaire au fond mais c’est juste pour établir s’il y’a existence d’un contrat de travail ou pas, notamment des contrats verbaux passés par la fédération et d’autres personnes physiques.
e. Rapports entre l’État et les fédérations sportives nationales et internationales : D’un côté, on a le rapport de tutelle avec les organisations sportives nationales ; respect du principe de non-ingérence des États et de la Lex sportiva et l’obligation pour l’État de prêter son concours pour l’exécution des sentences rendues en matière sportive. De l’autre côté, on a le financement des activités sportives nationales.
Depuis la loi de 2018, le ministère du sport est la tutelle de toutes les fédérations sportives. Le respect du principe de non-ingérence qui n’est jamais véritable respecté d’où la notion de rapport incestueux. A propos de l’obligation pour l’État de prêter son concours pour l’exécution des sentences rendues en matière sportive, on note que l’arbitrage est un grand enfant parce qu’il n’a jamais réussi à complètement s’affranchir de la justice étatique du fait de la procédure d’exéquatur.
2. Financement et professionnalisation du sport
Le financement des activités sportives nationales peut provenir du public ou du privé. L’Etat finance à travers des subventions ou par des collectivités territoriales décentralisé (les Mairies), à travers des mesures fiscales incitatives (réduction fiscale sur les bénéfices d’entreprise qui aurait financé le sport) et dans le secteur privé, on retrouve les sponsors et les mécènes qui viennent financer le sport pour pouvoir bénéficier de certains droits comme par exemples le droit de retransmission sur le sport (les chaines de télévision), le droit de l’exclusivité (Total énergie – CAN 2021).
Selon Me MAYI, nous juristes d’entreprise, devons embrasser le domaine du sport car le sport présente à lui seul de nombreux avantages pour le Cameroun (il peut générer toute une batterie d’emplois, renforcer l’économie dans la mesure où certains joueurs sont même utilisés pour des placements dans les banques, etc.). Son exposé a donné lieu aux quelques questions ci-après :
- « Le principe de non-ingérence » : Comment les associations sportives parviennent à tenir l’État ? Le principe n’est-il pas faible ?
Comme réponse, notre orateur a pu relever que, selon le principe, l’Etat finance déjà le sport mais demande ne pas s’ingérer dans ce qu’il finance. Ce même Etat assure juste une surveillance (tutelle), un droit de regard pour maintenir l’ordre dans les activités sportives. Ainsi, l’on retient que le principe de non-ingérence est un principe qui est juste inopérant.
- Quelle est l’ordre public international qui assure le contrôle de la conformité des décisions rendues en droit du sport ?
Pour répondre à cette question, notre orateur à souligner qu’il s’agit du Tribunal Fédéral Suisse. C’est ce tribunal qui assure un contrôle de conformité.
B. Professionnalisation et développement économique du sport au Cameroun
M. Kingsley PUNGONG, entrepreneur dans le domaine du sport, a à son tour captivé l’audience à travers son analyse de la professionnalisation et du développement économique du sport au Cameroun.
Points abordés :
1. Partage d’expérience sur le business du sport
Il a commencé par présenter le sport comme étant une véritable source de business dans notre société actuelle. Pour lui, le sport est une véritable « vache à lait » et représente une opportunité pour le Juriste.
Le Cameroun/l’Afrique, gagnerait à s’investir davantage dans le sport en général de manière à ce qu’il devienne plus professionnel et plus rentable. Concernant le Droit, les Juristes doivent s’investir non seulement à travers la gestion administrative et juridique de la carrière des différents athlètes, mais aussi à travers la gestion des situations juridiques pouvant exister entre les institutions sportives et les athlètes.
2. Ce qu’il faut réellement faire pour que le sport soit réellement attractif au Cameroun
Pour que le sport puisse réellement devenir attractif au Cameroun en particulier, il faudrait que la politique du sport soit axée selon un modèle de business plan c’est-à-dire développer des méthodes qui permettrons de vendre au mieux les prouesses sportives camerounaise aussi bien au plan national qu’international. Bien plus, les infrastructures sportives devraient être confiées à des particuliers qui les mettrons en valeur, en les utilisant comme des outils de commerce ce qui permettra d’acquérir plus de recettes.
Aussi, les grandes entreprises gagneraient à s’investir davantage dans le sport comme c’est le cas du géant de l’hydrocarbure TOTAL qui est partenaire de la CAF et du football africain. Cela permet d’une part, à booster la visibilité et la rentabilité du sport camerounais et d’autre part, cela constitue une véritable opportunité fiscale pour les entreprises car les entreprises qui s’investissent dans le domaine du sport connaissent une pression fiscale souple et une grande notoriété.
3. Quelques propositions pour que le business du sport marche au Cameroun comme ailleurs
Pour que le business du sport marche véritablement dans notre pays, il faudrait tout d’abord s’investir pleinement dans la formation des jeunes talents car ce sont eux les véritables détenteurs des ressources qui génèreront des finances. Il faudrait ensuite que le savoir-faire sportif camerounais soit véritablement valorisé peut-être en confiant la gestion du côté marketing à des entreprises pour rentabiliser au maximum. Il faudrait également que les compétitions nationales locales soient mises en valeur afin de susciter l’attention des entités disposées à acheter (les droits télé, droit de retransmissions, sponsoring).
4. Le pays d’Afrique avec le modèle sportif le plus élevé en termes de développement et d’encadrement juridique
Pour notre orateur, le pays modèle en Afrique dont le Cameroun devrait s’inspirer, est le Nigéria. Au motif que ce pays frère a une politique sportive bien en place disposant d’un bon encadrement et accompagnement juridique, et une bonne rentabilité financière. C’est donc à juste titre que le Cameroun doit s’en inspirer pour développer son business du sport et apporter un réel encadrement et accompagnement juridique.
Conclusion :
Cette rencontre a permis d’établir un pont entre le droit et le sport, tout en montrant qu’un cadre juridique solide peut transformer le sport en un véritable levier économique pour le Cameroun. D’où la nécessité pour les professionnels du droit de se spécialiser dans le domaine sportif et collaborer avec les institutions et associations sportives afin de mieux les accompagner. La clôture des échanges a été marquée par le mot de remerciement de la présidente a l’endroit des intervenants et les participants pour leur présence et contributions aux échanges. Ces mots de remerciement ont été l’occasion pour la présidente de présenter les deux jeunes stagiaires de l’association et d’inviter toute l’assistance à un partage de cocktail.