LES ENJEUX DES NOUVELLES DISPOSITIONS LEGALES REGISSANT LES TRAVAILLEURS ETRANGERS AU CAMEROUN
Par Glory Huambo – Mercredi, le 26 Juillet 2023

I. CONTEXTE, PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS

1. Contexte

  • Environ 6000 travailleurs étrangers en situation irrégulières recensés selon les chiffres officiels ;
  • Adoption de la Loi n°2022/020 du 27 décembre 2022 portant loi de finances du Cameroun pour l’exercice 2023 en son article vingt deuxième instituant un prélèvement au titre de frais de visas sur les contrat de travailleurs de nationalité étrangère ;
  • Enregistrement en Mai 2023 de plusieurs Sanctions par le MINEFOP d’entreprises employant illégalement les travailleurs étrangers au rang desquelles figure une amende de 250 000 000 FCFA reçue par une entreprise employant la main d’œuvre chinoise ;
  • Annonce de probables expulsions effectives des lieux de service des expatriés en situation irrégulière, faite par la direction de régulation de main d’œuvre du MINEFOP en Mai 2023 ;
  • Rejet d’agrément d’un Directeur Général de compagnie d’assurance de nationalité étrangère par le MINFI en Mars 2023 pour défaut de visa de contrat de travail visé, et défaut de preuve d’inexistence de camerounais compétent pour le poste sollicité.

2. Problématique

Violation par certaines entreprises des exigences légales relatives aux formalités d’emploi de la main d’œuvre étrangère entrainant :

  • Lourdes amendes infligées aux entreprises pour défaut de visa de contrat de travailleur étranger par le MINEFOP ;
  • Risques d’expulsion des travailleurs étrangers en situation irrégulière susceptible de préjudicier à l’exploitation d’entreprise et projets structuraux ;

3. Objectifs

– Présenter les exigences légales préalables à l’emploi de la main d’œuvre étrangère au Cameroun ;
– Adresser les modalités de liquidation des prélèvements au titre de frais de visa des contrats de travailleurs étrangers suivant la loi de finance de 2023 ;
– Sensibiliser sur les enjeux relatifs au respect des exigences légales préalables à l’emploi des travailleurs étrangers au Cameroun ;
– Alerter sur les différents risques auxquels expose l’emploi illégal du personnel expatrié.

II. FONDEMENT JURIDIQUE

  • Loi N° 92/007 du 14 aout 1992 portant code du travail;
  • Décret N°93/571 du 15 Juillet 1993 fixant les conditions d’emploi des travailleurs de nationalité étrangère pour profession ou certains niveaux de qualification professionnelle ;
  • Décret N°93/575/PM du 15 Juillet 1993 fixant les modalités d’établissement et de visa de certains contrats de travail ;
  • Loi n°2022/020 du 27 décembre 2022 portant loi de finances du Cameroun pour l’exercice 2023 ;
  • Lettre circulaire N° 000001/LC/MINEFOP/SG/DRMO du 06 janvier 2023 précisant les modalités d’application de l’article vingt-deuxième de la loi portant loi de finances du Cameroun pour l’exercice 2023 relative à l’institution d’un prélèvement au titre des frais de visa de travail apposé sur les contrats de travail des travailleurs de nationalité étrangère ;
  • Lettre circulaire N° 000002/LC/MINEFOP/DR/MO/SDIAC/SC du 03 février 2023 relative aux modalités d’obtention du visa des contrats de travail d’un travailleur de nationalité étrangère et détenteur de visa temporaire ;
  • Lettre-Circulaire N° 00000035/LC/MINEFOP/DRMO/du 27 juin 2022 relative aux modalités d’obtention des visas de contrat de travail des personnels de nationalité étrangère ;
  • Décret N° 2023/147 du 02 mars 2023 fixant les modalités d’application de la loi N° 97/012 du 10 janvier 1997 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun ;
  • Loi N° 97/012 du 10 janvier 1997 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun ;
  • Loi N° 2016/319 du 12 juillet 2016 portant partie règlementaire du code pénal camerounais définissant les contraventions ;

III. ANALYSE CONCEPTUELLE

Enjeu : ce que l’on peut gagner ou perdre dans une entreprise quelconque (Cf. Dictionnaire Larousse)
Nouvelles dispositions légales régissant les travailleurs étrangers au Cameroun : ensemble de lois, lettres-circulaires, portant sur le visa des contrats des travailleurs étrangers et au cœur de l’actualité camerounaise relative aux sanctions d’entreprise employant la main d’œuvre étrangère dans l’illégalité
Travailleur étranger : toute personne n’ayant la nationalité camerounaise, possédant une nationalité étrangère ou n’ayant pas de nationalité au moment de mettre son activité professionnelle sous l’autorité d’un employeur contre rémunération salariale (art 1 du Code du Travail et 2 de la Loi N° 97/012 du 10 janvier 1997)

IV. FORMALITES RELATIVES AU TRAVAIL DES ETRANGERS AU CAMEROUN

Les principales formalités préalables au travail des étrangers au Cameroun sont :

  • Le visa du contrat de travail ;
  • La demande de permis de séjour ;
  • La déclaration de résidence ;

1. Le visa du contrat de travail
Le contrat de travail du travailleur étranger daté et signé des deux parties (employeur/employé) doit être soumis au visa du ministre en charge de l’emploi en 6 exemplaires ayant en annexe :

  • Les références professionnelles ou universitaires du candidat (copies certifiées conformes des certificats de travail ou de diplômes) ;
  • Une note descriptive détaillée de l’emploi ressortant le profil du candidat ;
  • Un Curriculum Vitae du candidat ;
  • Un extrait de casier judiciaire datant de moins de 3 mois ;
  • Une copie certifiée conforme du titre d’entrée et de séjour au Cameroun pour les expatriés qui s’y trouvent déjà ;
  • Une copie du marché, de la convention ou tout autre document justifiant l’occupation du poste par un étranger ;
  • Le plan de camerounisation des emplois approuvé par le ministre en charge de l’emploi ;
  • Un organigramme détaillé de l’entreprise ressortant tous les poste de cadre et agent de maitrise assorti des profils y afférents ;
  • Un certificat médical datant de moins de 3 mois délivré par un médecin du lieu de recrutement attestant l’aptitude du candidat à exercer son activité au Cameroun ;

Le ministre en charge de l’emploi se prononce dans un délai de deux mois après lequel son silence vaut acceptation (art 27 al. 4 du Code du Travail
Aux fins de visa du contrat de travailleur étranger est vérifié la présence des dispositions obligatoires du contrat de travail et la carence de Camerounais demandeur d’emploi pouvant occuper le poste.
Le refus du visa est motivé par le Ministre avec restitution du contrat et ses annexes.
Le visa du contrat des travailleurs étrangers titulaires de visa touristiques ou temporaires est rejeté de plein droit à l’exception de :
• Techniciens admis à séjourner au Cameroun pendant la durée d’un marché entre le gouvernement Camerounais et une entreprise ;
• Spécialistes admis à séjourner au Cameroun pendant la durée de montage/entretien de matériel technique/industriel acquis par une entreprise exerçant au Cameroun, ayant un visa temporaire de 6 mois de plusieurs entrées et sorties mais non renouvelable sans contrat de travail signé ;
• Titulaires de visa d’affaires créant une entreprise ou s’associant à une entreprise Camerounaise

2. La demande de permis de séjour
Le travailleur étranger doit après le visa du contrat de travail obtenu du Ministre, solliciter auprès des services d’Emmi Immigration une carte de séjour d’une durée de validité de 2 ans renouvelable avec en pièce jointe:

  • Photocopie certifiée conforme datant de moins de 3 mois du passeport valide revêtu du visa long séjour ;
  • 4 photographies 4 X 4 ;
  • Extrait du casier judiciaire spécial ;
  • Certificat d’imposition ;
  • Certificat de domicile délivré par l’autorité administrative/Commissaire de police compétent avec signature préalable du chef de quartier/village ;
  • Preuve de paiement de droit de timbre définit par la loi de finance en vigueur

3. La déclaration de résidence
Le travailleur étranger doit obtenir un Certificat de domicile délivré par l’autorité administrative/Commissaire de police compétent avec signature préalable du chef de quartier/village. Cette pièce fait du reste partie intégrante des annexes à la demande du titre de séjour.
NB: Les travailleurs expatriés dont le séjour au Cameroun est supérieur à 3 mois doivent garantir leur rapatriement par :

• Un billet de transport aller-retour nominatif incessible valable un an au moins ou une prise en charge dudit billet par l’employeur ;
• Un dépôt auprès du trésor public d’une caution de rapatriement au montant du prix du billet de passage de Yaoundé à la capitale du pays du ressortissant étranger;

Le versement d’une caution bancaire peut être effectué en lieu et place des exigences ci-dessus pour certains cas d’accords bilatéraux comme c’est le cas entre la France et le Cameroun
À retenir :
* Quota de 50% cadres expatriés /50% Cadres Nationaux à respecter pour chaque entreprise
* Attestation de carence à obtenir du MINEFOP pour tous les agents maitrise, ouvriers, manœuvres étrangers (art 2 Décret N° 93/571 du 15 juillet 1993)

V. NOUVELLES EXIGENCES LEGALES SUR LE TRAVAIL DES ETRANGERS

Les nouvelles exigences légales sur le travail des étrangers au Cameroun tirent leur fondement de la Loi n°2022/020 du 27 décembre 2022 portant loi de finances du Cameroun pour l’exercice 2023 en son article vingt deuxième selon lequel il est requis un prélèvement de frais de visa pour tout contrat de travail soumis au visa du MINEFOP.

Assujettis : toutes personnes physiques de nationalité étrangère sollicitant un contrat de travail sur le sol Camerounais ;

Exigence : un prélèvement de frais de visa apposé sur les contrats de travail des expatriés ;

Liquidation :
• Deux mois de salaire et traitement brut pour travailleurs non africain
• Un mois de salaire et traitement brut pour travailleurs africains avec 50% d’abattement

Percepteur :
• Agent Intermédiaire de Recettes du MINEFOP pour montants inférieurs/égal à 4 000 000F
• Livre comptable de la CAMPOST pour montant supérieurs à 4 000 000F (12003 1100315850500015-48

Constitution du dossier
o Ensemble des pièces nécessaires au visa du contrat de travail énoncées supra ;
o Fiche d’évaluation du cout du visa visé par le Directeur de Régulation de la Main d’Œuvre du MINEFOP et signé par le Ministre
o Reçu d’acquittement des frais de visas

Dossier à déposer à la Délégation Régionale du MINEFOP compétente qui le transmet avec avis motivé au Ministre dans les 15 jours de sa réception
NB: Le traitement brut faisant l’objet de base d’évaluation des frais de visa à s’acquitter inclue primes, indemnités, et avantages en nature dont bénéficiera le travailleur expatrié.
Ainsi, les indemnités de logement et de transport doivent à cet effet être indiquées en numéraire dans le contrat de travail sous peine de rejet de dossier.

VI. REVUE DE DROIT COMPARE

i. Cote d’Ivoire

Pour les contrats de travail à durée déterminée
Travailleurs non africains :
– Un (1) mois de salaire par travailleur concerné (salaire de base + sursalaire) ;

Travailleurs africains :
– La moitié (1/2) du salaire par travailleur concerné (salaire de base + sursalaire) ;

Pour les contrats de travail à durée indéterminée
Travailleurs non africains :
– Un (1) mois et demi de salaire par travailleur concerné (salaire de base + sursalaire) ;

Travailleurs africains :
– Trois-quarts (3/4) du salaire, par travailleur concerné (salaire de base + Sursalaire)

Confert article 7 de l’arrêté n° 6421 du 15 juin 2004 portant modification de l’arrêté n° 1437 du 19 Février 2004 relatif à la Réglementation du recrutement et des frais de visa du contrat de travail des personnels non nationaux.

ii. République Démocratique du Congo

Tableau fixant le montant de la taxe sur la carte de travail d’étranger et frais de dépôt des dossiers

N° Montant en nouveaux zaïres Entreprises publiques et privées concernées
a) L’équivalent de 500 $ US (au taux du jour) • Agro-industriels;
• Gros élevages ou plantation;
• Énergie
• Extraction minière;
b) L’équivalent de 700 $ US (au taux du jour) • Entreprises de construction;
• Entreprises de service.
• Industries manufacturières;
• Production de l’Énergie;
• Production et construction métallurgiques;
• Transport et communication;
c) L’équivalent de 1 000 $ US (au taux du jour) • Entreprises de commerce général;
• Entreprises de secteur bancaire et institutions financières
d) L’équivalent de 2 000 $ US (au taux du jour) • Comptoirs d’achat des matières précieuses.

Confert article 9 de l’arrêté interministériel 032 du 10 mars 1994 fixant la taxe sur la carte du travail des étrangers. (Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale).

VII. ENJEUX POUR L’ENTREPRISE

a) Opportunités
–  Opportunité/Incitation au recrutement de nationaux à salaires moins élevés et compétences égales sans nécessité de frais de visa au terme d’une analyse ayant abouti à l’existence de camerounais pouvant occuper le poste en cause;
–  Transfert de technologie et de compétence au profit de l’entreprise optant pour le recrutement de travailleur Camerounais venant en assistance du travailleur étranger
–  La Camerounisation globale des emplois qui à grande échelle permettrait à toute entreprise sur la durée de trouver la main d’œuvre compétente sans nécessité de formalité couteuse
–  L’égalité de chance pour les cadres nés des quotas 50% nationaux, 50% étrangers
–  Réduction du taux de chômage au Cameroun

b) Risques
Risque de sanction des cas de non-conformité par :

• Amende pour violation de la loi (art 27 al. 2 du Code du Travail)
–  Amende de 200 000 à 1500 000 si défaut de visa du MINEFOP sur le contrat de travail (Art 168 du Code du Travail) ;
–  Multiplication de l’amende par le nombre de travailleur concerné par l’infraction (Art 172 du Code du Travail)

• Expulsion du travailleur
• Rejet de visa de contrat de travail
• Perte de réputation

VIII. ETUDE DE CAS

CAS 1
Mme Mbappe, Responsable RH de la PME ABC Sarl à Yaoundé est sur le point de recruter un travailleur de nationalité étrangère suite aux consignes données par le Gérant de la ABC Sarl. Étant à sa première expérience d’enrôlement de travailleurs expatriés, elle vous sollicite pour lui indiquer l’ensemble des formalités légales nécessaire à l’emploi de la main d’œuvre étrangère. Que lui conseillez-vous?

CAS 2:
M. Coulibaly, Libyen de nationalité est en cours de recrutement à la XYZ S.A à Douala. Son contrat de travail soumis aux formalités de visa du MINEFOP dispose à l’article 8 relatif à sa rémunération et avantages : « L’employé aura droit à un salaire mensuel brut de 1 100 000 FCFA ventilé comme suit :

– Salaire de base: 465 000
– Sursalaire; 135 000
– Prime de rendement: 300 000
– Indemnité de représentation : 200 000

Le travailleur au titre d’avantages en nature bénéficiera d’un véhicule 4×4 Toyota Prado, d’une villa de fonction et d’un bon de carburant mensuel équivalent au plein d’essence du véhicule de fonction »
Procédez à l’estimation du prélèvement de frais de visa de M. Coulibaly. Quelles sont vos observations? Votre estimation aurait-elle été la même si M. Mbappe était Européen? Sinon procédez à cette estimation si M. Coulibaly n’était Africain.

CAS 3
M. Dipanda, RH à la DOUALA S.A. a un fichier d’effectifs de 200 travailleurs qui se résume comme suit:

EFFECTIFS DE LA DOUALA S.A.
Catégories Nationalité Totaux
Camerounaise Etrangère
I à IX 160 0 160
X à XII 30 10 40
Totaux 190 10 200

 

Le Directeur Général  en raison d’un plan d’extension d’activités sur tout le territoire national a présenté un projet de recrutement pour 2024 passant les effectifs de 200 à 240 salariés comme suit :

PERSONNEL A RECRUTER A LA DOUALA S.A.
Catégories Nationalité Totaux
Camerounaise Etrangère
I à IX 10 5 15
X à XII 0 25 25
Totaux 10 30 40

Les contrats de travail des 5 expatriés de catégorie I à IX relatifs à ce plan de recrutement peuvent-ils obtenir le visa du MINEFOP? Justifiez votre réponse.
A quelles conditions le personnel d’encadrement à recruter peut-il obtenir le visa du MINEFOP sur leurs contrats de travail? Ces contrats dudit personnel d’encadrement à recruter pourraient-ils tous obtenir le visa du MINEFOP? Justifier votre réponse.

Réalisé par : Ghislain MOTSEBO
Revue par : Mme Stella NSATA, SGA auprès de l’ACJE

Photos de famille