LES SECRETS D’AFFAIRES : UNE QUESTION D’ACTUALITE
Par KOTAN Michelle Carine épouse MBOG, Expert en propriété intellectuelle – Mardi, le 25 Juillet 2023, au Siège du GECAM

L’objectif de cet atelier est de : comprendre la notion de secret d’affaires et son importance, identifier les éléments à préserver, développer les gestes utiles pour protéger vos secrets d’affaires, opter pour une protection en secrets d’affaires ou en brevet d’invention : faire le bon choix + Cas pratiques et partages d’expériences.

I. CONTEXTE ET PRESENTATION DES SECRETS D’AFFAIRES

Les secrets d’affaires sont des droits de propriété intellectuelle portant sur des renseignements confidentiels pouvant être vendus ou faire l’objet de licences. La plupart des droits de propriété intellectuelle – brevets, droit d’auteur, marques et dessins et modèles – sont octroyés par les pouvoirs publics. Il existe toutefois un autre type de droit dont l’existence dépend uniquement du choix d’une entreprise : le secret d’affaires. En effet, la loi protège une personne qui partage une information à titre confidentiel avec une autre, sans exiger d’enregistrement auprès d’une quelconque administration ; En cas de litige, il est soumis aux tribunaux.

Le secret d’affaires existe depuis des siècles dans les transactions commerciales, car il constitue pour les entreprises un moyen pratique de protéger leur avantage face à la concurrence. Alors que les autres types de droits de propriété intellectuelle sont uniquement octroyés pour des œuvres de création répondant à un ensemble de critères très précis et soigneusement définis, la protection par le secret d’affaires s’applique en gros à toute information qui n’est pas largement connue, revêt une valeur commerciale et a fait l’objet de la part de son détenteur de mesures destinées à en préserver la confidentialité. Conformément aux normes énoncées dans l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord sur les ADPIC), la plupart des législations nationales prévoient la protection de la confidentialité des transactions commerciales. Concrètement, la très grande majorité de ces obligations sont respectées par les participants, sans quoi il n’y aurait pas de relations durables.

L’Accord sur les ADPIC, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995 est à ce jour, l’accord multilatéral le plus complet en matière de propriété intellectuelle. L’Accord sur les ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) qui intègre les droits de la propriété intellectuelle à l’OMC, protège dans son article 39 “les renseignements non divulgués” contre toute utilisation non autorisée “d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes.” « Le secret d’affaires existe depuis des siècles dans les transactions commerciales, car il constitue pour les entreprises un moyen pratique de protéger leur avantage face à la concurrence ». Conformément aux normes énoncées dans l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord sur les ADPIC), la plupart des législations nationales prévoient la protection de la confidentialité des transactions commerciales. Concrètement, la très grande majorité de ces obligations sont respectées par les participants, sans quoi il n’y aurait pas de relations durables.

II. CARACTERISTIQUES D’UN SECRET D’AFFAIRES (Cf. Annexe 8, art 6 al 3 de l’Accord de Bangui)

En règle générale, pour être qualifiés de secrets d’affaires, ces renseignements doivent :

  • Avoir une valeur commerciale parce qu’ils sont confidentiels ;
  • Être connus uniquement d’un groupe limité de personnes, et
  • Faire l’objet de mesures raisonnables prises par leur détenteur légitime pour les garder secrets, notamment d’accords de confidentialité avec les partenaires commerciaux et le personnel.

L’acquisition, l’utilisation ou la divulgation non autorisée de ce type de renseignements secrets par des tiers, de manière contraire à des pratiques commerciales honnêtes, est considérée comme une pratique déloyale et comme une violation de la protection du secret d’affaires.

III. TYPE D’INFORMATIONS A PROTEGER PAR UN SECRET D’AFFAIRES

D’une manière générale, tout renseignement commercial confidentiel qui confère à une entreprise un avantage concurrentiel et n’est pas connu d’autres personnes peut être protégé par le secret d’affaires. Les secrets d’affaires incluent à la fois des renseignements techniques tels que des procédés de fabrication, données d’essais pharmaceutiques, dessins et représentations graphiques de programmes d’ordinateur, et des renseignements commerciaux tels que des méthodes de distribution, listes de fournisseurs et de clients et stratégies publicitaires.

D’autres informations comme les renseignements financiers, les formules, les recettes et les codes sources peuvent également être protégés par des secrets d’affaires, un fichier client, des processus, des connaissances techniques, un concept, un logiciel, des données de recherche, une stratégie, des contrats, des formules et des recettes, les méthodes de distribution, listes de fournisseurs et de clients et stratégies publicitaires, fichiers clients, processus. De même tout concept, logiciel, données de recherche, stratégie, contrats, formules et recettes, les méthodes de prospection commerciale, les recettes, les procédés originaux, les accords de confidentialité ou de non concurrence, les avis du conseil d’administration ou de la direction, et plus largement les savoirs faire et informations commerciales non divulgués, lesquels constituent des actifs immatériels et confèrent à leurs titulaires un avantage commercial. Un secret d’affaires peut être aussi une combinaison d’éléments qui est tenue secrète, constitue un avantage concurrentiel.

Notons ici l’existence de deux types d’informations :

1- D’une part, il peut s’agir de renseignements de grande valeur qui ne remplissent pas les critères de brevetabilité et donc qui peuvent être protégés uniquement sous la forme de secrets d’affaires. Tel est le cas de renseignements commerciaux ou procédés de fabrication qui ne sont pas suffisamment inventifs pour obtenir un brevet (même s’ils répondent aux conditions requises pour être protégés en tant que modèles d’utilité).

2- D’autre part, les secrets d’affaires peuvent concerner des inventions qui pourraient répondre aux critères de brevetabilité et donc être protégées par des brevets. L’entreprise doit alors choisir entre breveter l’invention ou la conserver comme secret d’affaires. Les secrets d’affaires sont un actif précieux qui présente plusieurs avantages.

NE CONSTITUENT PAS DES SECRET D’AFFAIRES

Bien entendu, la protection du secret des affaires ne doit pas permettre de dissimuler des pratiques illicites telles que : Des manœuvres frauduleuses sécrètes, des opérations illégales, des malversations économiques ou financières, des agissements contraires à la loyauté des affaires, des plans concertés de destruction de l’outil industriel, des délits d’initiés, des actes de corruption financière ou culturelle, des actions de blanchiment d’argent, des ententes commerciales prohibées et plus généralement, toute attitude opaque pour dissimuler un comportement frauduleux.

Lire à cet effet les affaires UBS, Panama Papers, le Scandale du médiator.

IV. AVANTAGES DE PROTECTION EN SECRETS D’AFFAIRES

• La protection n’est pas limitée dans le temps (contrairement aux brevets qui ont généralement une durée d’au moins 20 ans) ; les secrets d’affaires peuvent durer indéfiniment, tant que le secret n’est pas révélé au public ;
• Les secrets d’affaires ne génèrent aucun coût d’enregistrement (même si préserver la confidentialité peut s’avérer très onéreux dans certains cas) ;
• Les secrets d’affaires ont un effet immédiat ;
• La protection de secrets d’affaires n’exige aucune formalité ni aucune divulgation publique ;
• La portée et la souplesse du secret d’affaires en font un mode de protection attrayant pour les PME qui n’ont pas nécessairement les moyens d’enregistrer des droits de propriété intellectuelle – par exemple un restaurant qui voudrait protéger ses recettes confidentielles.

V. INCONVENIENTS, LIMITES DE LA PROTECTION PAR SECRETS D’AFFAIRES

Il existe toutefois certains inconvénients concrets à protéger des informations confidentielles comme secrets d’affaires, en particulier lorsque les renseignements en question remplissent les critères de brevetabilité :
• Si le secret est intégré dans un produit novateur, des tiers peuvent inspecter ce produit, l’éplucher et l’analyser (par exemple par “ingénierie inverse”), découvrir le secret et être par la suite en droit de l’utiliser. La protection des secrets d’affaires ne donne pas le droit exclusif d’empêcher un usage commercial par des tiers. Seuls les brevets et les modèles d’utilité peuvent apporter ce type de protection ;
• Un secret d’affaires peut être breveté par un tiers ayant obtenu les renseignements correspondants par des moyens légitimes, par exemple : inventions développées indépendamment par des tiers.
• Une fois que le secret est rendu public, n’importe qui peut y avoir accès et l’utiliser comme il l’entend. Plus les personnes ayant connaissance du secret d’affaires sont nombreuses, plus il est difficile de garder ce secret. La protection des secrets d’affaires n’a d’effet que contre l’acquisition, l’utilisation ou la divulgation illicite de renseignements confidentiels.
• Il est plus difficile de faire respecter un secret d’affaires qu’un brevet. Il est souvent très difficile de prouver la violation des secrets d’affaires. Le niveau de protection octroyé aux secrets d’affaires varie considérablement d’un pays à l’autre mais il est considéré généralement faible par rapport à la protection apportée par un brevet, par exemple.
• Du fait de leur nature confidentielle, il est plus difficile de vendre des secrets d’affaires que des brevets ou d’en concéder des licences. Si les brevets et les secrets d’affaires peuvent être perçus comme des solutions possibles pour protéger une invention, ils sont néanmoins souvent complémentaires l’un par rapport à l’autre.

NB : Souvent, la loi sur les secrets d’affaires complète la loi sur les brevets aux premiers stades du processus d’innovation car elle permet aux inventeurs de travailler sur leurs idées avant qu’elles ne soient brevetées. De plus, le savoir-faire précieux sur la manière dont une invention brevetée peut être la plus réussie sur le plan commercial est souvent tenu secret.

VI. COMMERCIALISATION DES SECRETS D’AFFAIRES

Les secrets d’affaires sont des droits de propriété qui peuvent être cédés ou concédés sous licence à d’autres personnes. Le titulaire d’un secret d’affaires a le droit d’autoriser un tiers à accéder aux renseignements faisant l’objet du secret d’affaires ou à les utiliser. Toutefois, étant donné la nature confidentielle des renseignements faisant l’objet d’un secret d’affaires, il n’est pas toujours facile pour les autres de déterminer si les renseignements concernés remplissent les conditions applicables à la protection des secrets d’affaires.

Il est donc plus difficile que pour un brevet de transférer et de concéder sous licence des renseignements confidentiels et de régler les litiges éventuels. Si un preneur de licence potentiel doit accéder à des secrets d’affaires pour évaluer leur valeur ou leur utilité, un accord de non-divulgation ou de confidentialité doit être signé entre le donneur et le preneur de licence potentiels. Par ailleurs, pour que la confidentialité d’un secret d’affaires soit conservée, le donneur de licence du secret d’affaires doit prendre les mesures raisonnables qui s’imposent.

VII. TYPE DE PROTECTION CONFEREE PAR UN SECRET D’AFFAIRES

En fonction du système juridique, la protection conférée par un secret d’affaires s’inscrit dans le cadre général de la protection contre la concurrence déloyale (Annexe VIII de l’accord de Bangui) ; Elle s’appuie sur des dispositions spécifiques ou sur la jurisprudence relative à la protection des renseignements confidentiels. L’Article 6 du texte supra mentionné évoque : Concurrence déloyale portant sur une information confidentielle :

1) Constitue un acte de concurrence déloyale, tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, entraine la divulgation, l’acquisition ou l’utilisation par des tiers d’une information confidentielle sans le consentement de la personne légalement habilitée à disposer de cette information dénommée ci-après « détenteur légitime » et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes ;

2) La divulgation, l’acquisition ou l’utilisation d’une information confidentielle par des tiers sans le consentement du détenteur légitime peut notamment résulter des actes suivants :

a. Espionnage industriel ou commercial ;
b. Rupture de contrat ;
c. Abus de confiance ;
d. Incitation à commettre l’un des actes visés aux sous alinéas a à c;
e. Acquisition d’une information confidentielle par un tiers qui savait que cette acquisition impliquait des actes visés aux sous alinéas a à d précédents ou dont l’ignorance à cet égard résultait d’une négligence grave.

Ce sont les circonstances propres à chaque cas qui déterminent de manière définitive si la protection d’un secret d’affaires a été violée ou non.

VIII. MESURES CONCRETES A PRENDRE EN CONSIDERATION PAR LES ENTREPRISES

Le détenteur d’un secret d’affaires ne peut pas empêcher d’autres personnes d’utiliser les mêmes renseignements techniques ou commerciaux que lui si ces personnes les ont obtenus ou développés indépendamment, par elles-mêmes, lors de leur propre activité de recherche-développement, ingénierie inverse, analyse de marché, etc.

Les secrets d’affaires ne sont pas rendus publics ; contrairement aux brevets, ils ne fournissent donc pas de protection “défensive” comme étant l’état de la technique. Par exemple : si le procédé spécifique de fabrication d’un composé X est protégé par un secret d’affaires, un autre inventeur ayant abouti indépendamment à la même formule ne pourra être l’objet de poursuites quelconques s’il protège son avantage concurrentiel par le secret d’affaires ou brevet d’invention.

Etape 1: Identification des informations et ressources confidentiels de l’entreprise :

1. Recenser les savoir-faire, la recherche et développement, les connaissances techniques de l’entreprise ;
2. Identifier les personnes impliquées (dirigeants, responsables métiers) ;
3. Recenser les systèmes d’information de l’entreprise ;
4. Cartographier l’entreprise et ses partenaires ;
5. Evaluer les risques et vulnérabilités ;

Etape 2: Classification des informations et des ressources confidentielles

1. Mentionner explicitement qu’une information est confidentielle en hiérarchisant les informations qui pourraient ainsi leur attribuer un code reflétant le niveau de classification : public, sensible, critique, stratégique, exemple (Co, C1, C2, C3) ;
2. Cela permet en outre de délimiter le rang des personnes ayant accès à ces informations.

Etape 3: Organisation et choix de leur protection, par la mise en place d’outils appropriés

1. Toute entreprise a le libre choix des moyens à mettre en œuvre pour définir sa politique d sécurisation des informations ;
2. Cahiers de laboratoire, envoi d’une lettre recommandée à soi-même ;
3. Archivage numérique, block Chain, horodatage électronique : prévoir un moyen de traçabilité et de conservation des preuves dans l’éventualité d’une action judiciaire ;
4. Sécuriser les systèmes d’information et d’intranet ;
5. Dépôt privé auprès d’un officier ministériel (huissier ou notaire) ;
6. Chiffrer les données, fermer les bureaux, cacher les écrans

Effectuer régulièrement des analyses diagnostiques de ses secrets d’affaires pour meilleure optimisation de leur usage.

Etape 4 : Mesures spécifiques aux salariés de l’entreprise

1. Mettre en place une gestion rigoureuse aux systèmes informatiques (habiliter les collaborateurs à accéder à des données définies en fonction de leur mission et de leur statut, prévoir une politique stricte en matière de mot de passe ;
2. Insérer dans les contrats de travail des clauses de confidentialité, éventuellement une clause de non concurrence ;
3. De même, prévoir dans les contrats de travail des clauses de cession des droits de propriété intellectuelle pour des éventualités de création d’œuvres par les employés ;
4. Rédiger et diffuser une charte éthique générale et une charte informatique ;
5. Rappeler la politique en matière de secret des affaires dans un accord collectif, le régime intérieur, une note de service, un règlement de sécurité des informations, un livret de sécurité remis à chaque salarié entrant dans l’entreprise ;
6. Sensibiliser régulièrement les entreprises (réunions, formations)

Etape 5 : Mesures spécifiques aux partenaires de l’entreprise

Il est recommandé de sélectionner et travailler avec des partenaires (sous-traitants, prestataires, informations, audit…) dans un cadre contractuel.

1. Des accords de confidentialité (pour interdire la divulgation et l’usage non autorisé d’informations confidentielles qui ont été communiquées à l’occasion d’une négociation ou d’un contrat ;
2. Des clauses de non concurrence et de non débauchage ;
3. Une clause générale dans le contrat de licence imposant au licencié la mise en place de moyens matériels de protection des secrets (une restriction d’accès, des salles sécurisées, la sensibilisation de son personnel ;
4. Des clauses d’audit ;
5. Nomination d’un référent dans l’entreprise en charge de la question du secret d’affaires.

QUESTIONNEMENTS UTILES PREALABLES

• La technologie dont il est question correspond-elle à une invention brevetable ? À noter à cet égard que tous les pays ne délivrent pas de brevets sur les méthodes commerciales, les logiciels (généralement protégés par le droit d’auteur), les formules mathématiques, la présentation d’informations, etc.) ;
• Les couts financiers liés aux différents dépôts et avant, leur disponibilité ;
• L’actif en question a- t-il une valeur commerciale et mérite-t-il d’être gardé secret ?
• Quelle est la probabilité de voir des concurrents arriver à établir le mode de fonctionnement de l’actif en question en recourant à l’ingénierie inverse ou à d’autres procédés ?
• Le risque de voir un tiers faire breveter votre actif est-il important ?
• La valeur de votre actif pourrait-elle subsister bien au-delà la durée de protection conférée par un brevet (en règle générale 20 ans) ?
• La société serait-elle en mesure de garder le secret ?

IX. RECOMMANDATIONS

Au sein d’une organisation la mise en place et la construction d’un système de prise en compte de la propriété intellectuelle est très recommandée, à l’entame d’un projet. Naturellement les secrets d’affaire doivent faire l’objet d’un respect scrupuleux pour une optimisation de tout le capital de l’entreprise. Une veille permanente au moyen des études diagnostiques et audits bien élaborés est également fortement recommandée.

Réalisé par : Ghislain MOTSEBO
Revue par : Mme Stella NSATA, SGA auprès de l’ACJE

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