II. Evaluation du dispositif LBC/FT suivant une approche basée sur les risques
A. connaissance et compréhension des risques de blanchissement des capitaux et de financement du terrorisme
Article 4 : Les établissements assujettis doivent avoir une bonne connaissance des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération inhérents à la clientèle, aux produits, aux canaux de distribution et à l’offre de services, y compris les produits qui sont en cours de développement ou qu’ils s’apprêtent à commercialiser, ainsi que des risques inhérents aux pays et territoires dans lesquels eux-mêmes ou leurs clients exercent leurs activités.
Cette connaissance repose sur des données précises relatives à l’activité et aux opérations ainsi que sur d’autres informations recueillies en interne et auprès de sources externes, notamment les évaluations nationales des risques et les rapports nationaux émanant des organisations internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération.
1. Quelques rapports en matière de lutte contre le blanchiment d’argent :
– Rapports d’évaluation mutuelle des pays effectué par le GABAC ;
– Rapport du GABAC sur les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme inhérents au change manuel et au transfert de fonds en Afrique Centrale ;
– Rapport annuel de la CONAC ;
– Rapports du GAFI.
2. Les 5 facteurs de risques sont :
– Le client : profession, source de revenu, patrimoine, pays d’origine, résidence
– L’opération : ouverture de compte en présentiel ou à distance, souscription de BDC/DAT
– Le canal de distribution : agency banking, ebanking sous-agent ;
– Le produit (nature et objet du compte) comptes liés, cartes, DAT, BDC, comptes d’épargne ;
– Le pays : pays listé GAFI, Zone économique (CEMAC, UEMOA…)
B. Evaluation des risques de blanchissement de capitaux et de financement de terrorisme
Article 6 : Les établissements assujettis prennent des mesures appropriées pour identifier, comprendre, évaluer, classer et maitriser les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération, notamment liés aux clients, pays ou zones géographiques, produits, services, opérations et canaux de distribution auxquels ils sont exposés.
Profil de risque de chaque client / Mesures d’atténuation qu’il convient d’appliquer
L’évaluation visée au présent article est documentée et tenue à jour sur une base annuelle et en cas de survenance d’un fait de nature à modifier de manière significative les risques identifiés ou leur compréhension. Elle est conservée par l’établissement assujetti et mise à la disposition de la COBAC, de l’ANIF et des autorités compétentes, à leur demande.
C. Gestion et atténuation des risques identifiés
– Définir des politiques, procédures et dispositifs de contrôle qui s’appuient sur la classification des risques (Autour des 5 facteurs : Client, opération, canal de distribution, produit, pays) validés par le Conseil d’Administration ;
– Mettre en place des mesures de vigilance proportionnées (Mesures simples, mesures renforcées) ;
– Allouer des ressources suffisantes dans le régime de lutte contre le BC/FT (Personnes et outils).
Donc, pour une meilleure évaluation du dispositif LBC/FT suivant une approche basée sur les risques, chaque établissement assujetti doit être capable de démontrer la pertinence de son évaluation, de sa gestion et de son atténuation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération, notamment :
– Sa politique d’acceptation des clients : Condition dans lesquels l’établissement refuserait une nouvelle relation d’affaire, y compris un client occasionnels, ou mettrait fin à une relation existante ;
– Ses procédures et politiques concernant l’identification des clients et la vérification de leur identité ;
– Sa surveillance continue: Filtrage et balayage de la base client et des opérations ;
– Ses procédures de déclaration d’opérations suspectes
– Toutes les mesures prises dans le cadre de son dispositif de LBC/FT
Tous ces documents doivent être approuvés par l’Organe Délibérant et régulièrement actualisés.
III. Renforcement des mesures d’identification et de surveillance de clients spécifiques
A. Les bénéficiaires effectifs
Bénéficiaire effectif : la ou les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent un client et/ou la ou les personnes morales pour le compte desquelles une opération est effectuée. Sont également comprises dans cette définition les personnes qui exercent, en dernier lieu, un contrôle effectif sur une personne morale ou une construction juridique.
Art 19: Les établissements assujettis identifient le bénéficiaire effectif et prennent des mesures raisonnables pour vérifier son identité à l’aide des informations ou données pertinentes obtenues d’une source fiable, de sorte que l’établissement assujetti a l’assurance qu’il sait qui est le bénéficiaire effectif.
Art 21: Les établissements assujettis ne doivent pas établir de relation d’affaires ni exécuter d’opérations tant que l’identité du client et, le cas échéant, celle des personnes agissant pour son compte et des bénéficiaires effectifs, n’a pas été établie et vérifiée conformément à la règlementation en vigueur en matière de LBC/FT.
36. Le bénéficiaire effectif est la ou les personnes qui possèdent ou contrôlent effectivement une entité juridique. Cette propriété ou ce contrôle peuvent s’exercer de différentes manières : par exemple, en détenant la participation de contrôle (20% ou plus) d’une personne morale. D’autres moyens incluent le contrôle d’un pourcentage important de droits de vote ou la possibilité de nommer ou de révoquer les membres du conseil d’administration d’une entité. Il existe d’autres manières d’exercer un contrôle effectif ; le contrôle peut se manifester par l’influence ou le droit de véto sur les décisions que prend une entité, par des liens familiaux ou d’autres types avec des décideurs, ou en détenant des titres négociables ou des actions convertibles d’une entité.
Les nouvelles catégories de bénéficiaires effectifs
Art 30: Les établissements assujettis prennent en compte le bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie comme un facteur de risque pertinent, lorsqu’ils déterminent si des mesures de vigilance renforcées sont applicables.
Art 31: Les établissements assujettis prennent des dispositions, au plus tard au moment du versement des prestations, pour déterminer si les bénéficiaires du contrat ou, le cas échéant, le bénéficiaire effectif du contrat d’une police d’assurance vie sont des personnes politiquement exposées.
Art 32: Si le client est un avocat, un notaire, un comptable, un courtier en valeurs mobilières, ou tout autre prestataire de service, intervenant en tant qu’intermédiaire financier, il ne pourra invoquer le secret professionnel pour refuser de communiquer l’identité du bénéficiaire effectif.
Ces informations sont justifiées par des documents officiels dont copie est conservée dans le dossier du client.
B. Client non-résident
Art 42: Les établissements assujettis mettent en place une vigilance renforcée pour l’identification des clients ne résidant pas dans l’espace communautaire.
Ils exigent une attestation de conformité ou tout document assimilé délivrée par la banque teneur du compte dans le pays de résidence du client non-résident.
C. Les organismes à But Non Lucratifs (OBNL)
Art 43: Les établissements assujettis exercent une vigilance renforcée, en sus des mesures prévues par les titres 2 et 3 du présent règlement, à l’égard :
a) Des organismes à but non lucratif ;
b) Des clients présentant un profil de risque élevé dans le cadre du filtrage et du profilage de la clientèle ;
c) Des clients qui ne sont pas physiquement présents aux fins d’identification.
D. Personnes politiquement exposées
Art 46: Les établissements assujettis doivent:
– Mettre en œuvre des systèmes de gestion des risques et effectuer les diligences nécessaires permettant de déterminer si leur client ou le bénéficiaire effectif du client est une PPE ;
– Obtenir l’autorisation de la direction générale ou de toute personne habilitée à cet effet, avant de nouer ou de poursuivre selon le cas, une relation d’affaires avec une telle personne ;
– Prendre des mesures appropriées pour établir l’origine du patrimoine et l’origine des fonds du client et du bénéficiaire effectif identifies comme étant des PPE ;
– Assurer la surveillance renforcée et continue de la relation d’affaires.
Art 47: Ne sont plus classifiées et traitées comme PPE un an après la cessation desdites fonctions, sauf si ces personnes demeurent, à l’appréciation de la COBAC.
IV. Mesures de vigilance pour des activités spécifiques
A. La banque correspondante (Art 48 et 72)
Art 48: Les établissements assujettis, lorsqu’ils concluent des conventions avec des correspondants bancaires transfrontaliers:
• S’assurent que le correspondant est agréé et soumis au contrôle des autorités compétentes de son pays d’origine ou du pays où il est établi ;
• Recueillent, sur le correspondant bancaire, des informations suffisantes pour connaitre la nature de ses activités et pour apprécier, sur la base d’informations accessibles au public et exploitables, sa réputation et le degré de la surveillance dont il fait l’objet ;
• Évaluent le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et la prolifération mis en place par le correspondant bancaire ;
• S’assurent que la décision de nouer une relation d’affaires avec le Correspondant bancaire est prise par la Direction Générale ou toute autre personne habilitée à cet effet ;
• Procédure d’entrée en relation avec les banques correspondantes à jour et validée par le CA ;
• Questionnaire LAB/FT renseignée par chaque banque correspondante
• Due-diligence effectuée convenablement documentée
B. Les virements électroniques de fonds
Virements électroniques de fonds : Toute transaction par voie électronique effectuée au nom du donneur d’ordre, personne physique ou morale, par l’entremise d’une institution financière en vue de mettre à la disposition d’un bénéficiaire une certaine somme d’argent dans une autre institution financière, le donneur d’ordre et le bénéficiaire pouvant être une seule et même personne.
Art 51: Les établissements assujettis appliquent une vigilance renforcée sur tous les virements électroniques de fonds, quelle qu’en soit la monnaie, qui est émis ou reçus par l’établissement assujetti à l’exception des virements :
a. effectués au moyen de cartes de crédit et de débit pour l’achat de biens ou de services tant que le numéro de la carte accompagne l’ensemble des virements découlant de l’opération afin d’en permettre la traçabilité ;
b. pour lesquels, le donneur d’ordre et le bénéficiaire sont tous les deux, des institutions bancaires agissant pour leur propre compte.
• Acquisition d’outils performants pour la surveillance renforcée des virements électroniques de fonds assortis d’indicateurs d’alerte ;
• Procédure de surveillance des transactions (Filtrage et balayage) ;
C. Les nouveaux produits et les nouvelles technologies
Art 49 : Les établissements assujettis identifient et évaluent les risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et de la prolifération pouvant résulter :
a. Du développement de nouveaux produits et de nouvelles pratiques commerciales, y compris de nouveaux mécanismes et canaux de distribution ;
b. De L’utilisation de technologies nouvelles ou en développement en lien avec de nouveaux produits ou des produits préexistants.
Art 50 : L’évaluation des risques visés à l’article précédent, a lieu avant le lancement des nouveaux produits ou des nouvelles pratiques commerciales ou avant l’utilisation de technologies nouvelles ou en développement.
Matrice des risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et de la prolifération pour tout nouveau produit ou service et avant tout développement technologique.
Autres opérations spécifiques
Art 63 : Les opérations suivantes font l’objet d’une vigilance renforcée de la part des établissements assujettis, en plus des mesures de vigilance normales relatives à la clientèle
a) tout paiement en espèces ou par titre au porteur d’une somme d’argent, effectué dans des conditions normales, dont le montant unitaire ou total est égal ou supérieur à cinquante millions (50 000 000) de FCFA
b) toute opération portant sur une somme égale ou supérieure à dix millions (10 000 000) de FCFA, effectuée dans des conditions inhabituelles de complexité ou injustifiée, ou qui paraît ne pas avoir de justification économique ou d’objet licite.
Dans les cas visés à l’alinéa précédent, les établissements assujettis se renseignent auprès du client, et/ou par tous autres moyens, sur l’origine et la destination des fonds ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité des acteurs économiques impliqués dans la réalisation de l’opération.
V. Déclaration des opérations suspectes
Art 80 : Conformément à l’article 74 du règlement n°0I/CEMAC/UMAC/CM, l’ANlF peut, si les circonstances l’exigent, sur la base d’informations graves, concordantes et fiables en sa possession, faire opposition à l’exécution d’une opération ayant donné lieu à une déclaration d’opérations suspectes avant l’expiration du délai d’exécution mentionné par le déclarant. Cette opposition est notifiée à ce dernier par écrit et fait obstacle à l’exécution de l’opération pendant une durée qui ne peut excéder quarante-huit (48) heures.
VI. Extension de l’obligation de conservation des documents
Art 38 : Sans préjudice des dispositions prescrivant des obligations plus contraignantes, les établissements assujettis conservent pendant une durée de dix (10) ans, a compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation des relations avec leurs clients habituels ou occasionnels, tous les documents obtenus à l’ouverture du compte et dans le cadre des mesures de vigilance relatives à la clientèle, les livres de comptes et la correspondance commerciale, ainsi que les résultats de toute analyse réalisée.
VII. Audit Interne
Art 113 : Le dispositif de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération est audité selon une périodicité qui tient compte de la nature, du volume et de la complexité des opérations de l’établissement assujetti et dans tous les cas, au moins une fois tous les deux (2) ans. Les termes de référence des missions d’audit du dispositif de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, doivent être validés par l’organe délibérant ou le comité d’audit qui en est une émanation.
Les conclusions des missions d’audit sont transmises à l’organe délibérant ou au comité d’audit qui valide les mesures de redressement nécessaires et en assure le suivi.
VIII. Mise en œuvre d’une formation continue pour le personnel
Art 112: La formation du personnel est adaptée aux fonctions exercées, au profil des risques de l’activité et de la clientèle et plus généralement aux résultats de l’évaluation des risqués ;
Un programme de formation, approuvé par l’organe délibérant, est établi sur une base annuelle. Un état détaillé de l’exécution de ce programme de formation figure dans le rapport annuel sur la conformité.
IX. Responsabilités – Sanctions
i. Extrait du règlement 2023/01
Article 118 : Lorsque, par suite soit d’un grave défaut de vigilance, soit d’une carence dans l’organisation de ses procédures internes de contrôle, un établissement assujetti a omis d’accomplir les obligations mises à sa charge, la COBAC peut engager une procédure disciplinaire à son encontre, sans préjudice des sanctions prévues par la règlementation en vigueur.
ii. Responsabilités et Sanctions pour les collaborateurs
Article 114 Règlement N° 01 CEMAC/UMAC du 16 Avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux, du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale :
– Prison (5-10 ans) ;
– Amende (5-10 fois le montant des sommes blanchies) sans être inférieure à 10.000.000 frs CFA ;
– Interdiction de sortie du territoire national ;
– Retrait de passeport ;
– Interdiction des droits civils et politiques ;
– Interdiction définitive d’exercer la profession à l’occasion de laquelle a été commise l’infraction ou une fonction publique ;
– Confiscation des biens.
iii. Responsabilités et Sanctions pour la banque
Article 127 Règlement N° 01 CEMAC/UMAC du 16 Avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux, du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale ;
1. Amende pécuniaire
2. Risque d’image et de réputation (perte de clients et de partenaires)
3. Retrait d’agrément